L’inquiétant Donald Trump
Le bombardement d’une base syrienne par l’aviation américaine révèle-t-il une vraie stratégie du président des États-Unis, ou est-ce une décision impulsive prise sous le coup de l’émotion ?
Les États-Unis ont donc bombardé, dans la nuit de jeudi à vendredi, une base aérienne en Syrie, en riposte à une attaque chimique menée deux jours plus tôt par l’aviation syrienne contre la localité de Khan Cheikhoun.
Ce sont 59 missiles de croisière Tomahawk qui ont été tirés depuis deux navires américains en Méditerranée, détruisant la base d’Al-Chaayrate, située dans le centre du pays. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, six soldats auraient été tués et la base aurait été entièrement détruite, ainsi que le dépôt de fuel et le système de défense antiaérienne.
Dans une brève intervention télévisée, Donald Trump a précisé que ces frappes étaient « associées au programme » d’armes chimiques de Damas et « directement liées aux événements horribles de mardi ». À Khan Cheikhoun, au moins 86 civils avaient péri, dont 27 enfants. La publication de photos montrant des enfants asphyxiés par le gaz sarin auraient fortement ému Donald Trump qui a dit avoir « changé sa vision » de Bachar Al-Assad, qualifié par lui de « dictateur ». Dans son allocution, le président américain a exhorté « les nations civilisées à faire cesser le carnage ».
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La Russie a condamné cette attaque contre « un État souverain » et demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies.
L’interprétation de cette riposte américaine est évidemment malaisée quelques heures après les faits. Est-ce un coup de semonce qui ne devrait pas avoir de suites militaires ? C’est le plus probable. Donald Trump aurait donné un signal politique à la fois intérieur et extérieur.
Tentative pour reprendre la main
Aux États-Unis, il se serait démarqué de son prédécesseur Barack Obama, qui en était resté au stade des menaces lorsqu’en août 2013, Bachar Al-Assad avait déjà mené une attaque chimique contre la population de la région de la Ghouta orientale, à l’est de Damas. Il aurait également montré qu’il n’était pas sous la dépendance de Moscou, alors que le FBI enquête toujours sur ses liens supposés avec la Russie.
À l’extérieur, il aurait surtout tenté de reprendre la main dans un conflit au sein duquel Vladimir Poutine occupe une position de force. Cela en évitant tout incident direct avec la Russie dont l’état-major a, semble-t-il, été prévenu de l’imminence de l’opération.
Dans cette hypothèse, il pourrait pousser son avantage sur le plan diplomatique pour accélérer l’avancée vers une transition démocratique sans Bachar Al-Assad, et rompre avec la langue de bois qui consiste à dire, comme Poutine, que ce sont les Syriens qui doivent décider eux-mêmes du sort du dictateur. Comme si des élections libres étaient envisageables sous ce régime.
Mais c’est sans doute beaucoup prêter à Donald Trump que d’inscrire son opération militaire dans une vraie stratégie politique. Car, tout en comprenant les approbations de l’opposition syrienne, on ne peut s’empêcher de voir dans cette épisode bien des motifs d’inquiétude. Le président des États-Unis a réagi comme s’il lui avait fallu ces photos d’enfants morts pour se convaincre de la nature du régime syrien. Et comme si sa décision impulsive avait été prise sous le seul effet de l’émotion.
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