Mendelson : Relu et approuvé

Mendelson s’essaye à la reprise. Un art difficile mais élégant quand il est réussi. Ce qui est le cas ici : de véritables réinterprétations de morceaux soigneusement choisis.

Jacques Vincent  • 5 avril 2017 abonné·es
Mendelson : Relu et approuvé
© photo : Fanchon Bilbille

Finalement, l’heure de la reprise a sonné. Au-delà de la plaisanterie, il faut souligner, dans le domaine qui nous occupe, un regain d’intérêt pour un exercice qui avait pratiquement disparu avec le temps. Comme si les nouvelles générations, au moins depuis les années 1990, très en phase avec l’arrogance de leur époque, méprisaient une pratique qui tient à la fois de la déclaration de filiation et du geste d’apprentissage.

On remarquera d’ailleurs que le retour actuel est essentiellement le fait des vétérans. Dylan s’y adonne avec un activisme et une constance qui lui sont propres. Les Stones eux-mêmes, comme renouant avec leur jeunesse, viennent, avec Blue and Lonesome, entièrement constitué de reprises de blues, de donner leur meilleur album depuis plus de quarante ans.

Et voici que Mendelson s’engage à son tour dans cette voie. Ce qui étonne encore plus, tant le groupe nous a habitués à se distinguer par un ton, une vision, un regard sur la vie et une façon toute personnelle de l’exprimer dans une totale liberté des formes. L’étonnement est de courte durée. On aura vite compris que tout tient dans la manière de faire, et que cette manière est, comme toujours, personnelle et singulière.

Un coup d’œil sur la liste des titres suffit à le laisser deviner. « Les Peuples », « La Nausée », « La Guerre »… Tous construits selon le même mode : article et nom commun. Bien dans la manière de Pascal Bouaziz, qui préside aux destinées du groupe depuis le début. Moins une série de reprises, donc, que d’adaptations. En français, on l’aura compris.

Difficile de rattacher d’emblée un des titres à l’un des auteurs de la version originale, Leonard Cohen, Sonic Youth, les Jam ou les Stooges. Si certaines versions restent proches de l’original, d’autres s’autorisent quelques aménagements tout en se gardant de jamais trahir l’esprit. À l’exemple d’« Inner City Blues » de Marvin Gaye, dénué des arrangements satinés de Tamla-Motown, devenu « La Carrière » et qui tourne autour de cette lancinante question : « Ils font tous carrière/Est-ce que c’est une vie ? »

Pas besoin en revanche d’attendre longtemps pour identifier « La Guerre ». L’intro ne laisse aucun doute. Les premiers mots encore moins : « L’année 2015 OK/Il y a la guerre dans le monde entier/Une année vide de plus pour nous/Une année de plus avec rien à foutre. » Reprise du « 1969 » des Stooges, revisité par un narrateur qui n’a pas 22 ans mais 41, et dans laquelle le dégoût le dispute à l’ennui. Pas d’explosion de pédale wah-wah, aucune rage, aucun cri. Symptomatique de l’approche qui a présidé à ces reprises qu’il faudrait plutôt appeler réinterprétations.

Même chose pour « Les Héritiers », qui convoque Pierre Bourdieu pour cette chanson de Lou Reed figurant sur l’album « Berlin » en 1973. « Les héritiers de ce monde souvent rêvent de suicide/Pendant que les pauvres souvent rêvent d’une seconde vie. » « Les Héritiers » retrouve toute l’atmosphère tragique et funèbre de « Men Of Good Fortune ».

Aucune faute de goût dans le choix des morceaux, ni dans la façon de les faire siens. Finalement, deux fils rouges donnent sa cohérence à cette collection de chansons qui pourrait paraître éparse. La première est la voix désenchantée de Pascal Bouaziz, la seconde est qu’elle constitue une suite de regards lucides sur le monde. C’est d’ailleurs ce qui justifie son titre, Sciences politiques, emprunté à Randy Newman. Enfin, malgré la diversité des auteurs, c’est bien Mendelson que l’on entend tout au long du disque. C’est aussi ce qui le rend remarquablement réussi.

Sciences politiques, Mendelson, Ici d’ailleurs.

Musique
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