David Cormand : « Je vote pour préserver l’idée que je me fais de notre pays »

Le secrétaire national d’EELV, David Cormand, n’a pas d’hésitation pour le second tour. Il évoque aussi la nécessaire recomposition à gauche.

Denis Sieffert  • 3 mai 2017 abonné·es
David Cormand : « Je vote pour préserver l’idée que je me fais de notre pays »
© photo : THOMAS SAMSON/AFP

Quel avenir pour Europe écologie-Les Verts ? David Cormand parle ici sans langue de bois de l’échec de la candidature Hamon et il en appelle à la France insoumise pour un rassemblement en vue des législatives.

Comment analysez-vous votre échec électoral avec Benoît Hamon ?

David Cormand : Ce que nous avons construit avec Benoît Hamon a été en effet un échec électoral, mais notre ambition ne se réduisait pas à un enjeu électoraliste. La motivation était politique. Nous avons souhaité accompagner une recomposition qui s’amorçait autour du paradigme écologiste.

Cet échec ne va-t-il pas hypothéquer la suite ?

Non, parce que l’échec s’explique par des circonstances conjoncturelles. La première, c’est le double vote utile dont a été victime Benoît Hamon, sur sa gauche, avec Jean-Luc Mélenchon, et sur sa droite en faveur de Macron. L’autre circonstance, c’est que Benoît Hamon s’est retrouvé étiqueté PS, alors que le vrai candidat PS, c’était Macron. Sans parler des multiples trahisons.

Mais le résultat, c’est une quasi-disparition d’EELV dans cette campagne…

C’est un paradoxe. Si on a assisté à un effacement du logo EELV pour la présidentielle, l’écologie n’a jamais été aussi présente dans le camp progressiste. Cela constitue une victoire culturelle prometteuse pour l’écologie. C’est l’essentiel.

Comment analysez-vous le phénomène Mélenchon ?

Cela fait une dizaine d’années que Jean-Luc Mélenchon a calibré son existence politique autour de la présidentielle, avec un positionnement particulièrement constant, contre la droite, mais aussi contre le reste de la gauche. À l’issue d’un quinquennat au cours duquel la gauche a déçu, il est apparu particulièrement identifiable, avec une offre politique qui intègre l’écologie.

Un deuxième élément me pose davantage question et mérite débat, c’est le discours autour du « dégagisme » et du populisme de gauche. Ce qui a la vertu de fédérer sur une position radicale beaucoup de militants parfois très zélés, et de créer une organisation extrêmement verticale autour de sa personne. En terme d’efficacité, c’est redoutable. Mais je suis sceptique sur ce récit qui contribue à brutaliser la vie politique. La dialectique « nous contre les autres » conduit à repousser parmi « les autres » de plus en plus de monde. La société est déjà très fracturée, et il n’est pas nécessaire de rajouter des murs. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que Jean-Luc Mélenchon lui-même puisse être dans une parfaite maîtrise de ce que ça peut donner dans la société.

Quelle est votre position pour le second tour de la présidentielle ?

C’est simple : Macron. Car si tous ceux qui sont opposés au fascisme ne votent pas pour le candidat qui lui est opposé, ça augmente les chances de victoire du candidat fasciste. Il ne s’agit donc évidemment pas de voter par adhésion. Je ne vote pas « pour » Macron, je vote pour préserver l’idée que je me fais de notre pays et de ses valeurs. Mais cela signifie aussi qu’il faut se donner les moyens d’éviter qu’Emmanuel Macron ait les pleins pouvoirs à l’Assemblée nationale.

Ce qui nous amène aux législatives. Vous vous êtes adressé à la France insoumise en vue d’un rapprochement, qu’en attendez-vous ?

À la présidentielle, la France insoumise a acquis un leadership qui implique des droits, mais aussi des devoirs. Je souhaite que l’on aille vers des coalitions de projets. Et je leur dis : « Vous dites que le manque de rassemblement a permis un deuxième tour Le Pen-Macron, va-t-on faire pareil aux législatives ? Maintenant, c’est vous qui avez la main. Et la réponse ne peut pas être tout le monde adhère à la France insoumise. Cela n’existe pas dans une démocratie. »

Avec le PS version Benoît Hamon, envisagez-vous d’aller jusqu’à une même formation ?

C’est un peu tôt pour le dire. Je souhaite qu’EELV s’interroge dans les mois qui viennent sur sa métamorphose. Mais cela ne pourra pas être un simple réemboîtage de bouts d’appareil préexistants… La recomposition du paysage politique invite à une réinvention des outils politiques dans leurs formes et sur le fond.

Est-ce qu’il y a des tensions au sein d’EELV sur ces perspectives ?

Non. Nous avons mangé notre pain noir. Tous ceux qui considèrent que l’écologie est compatible avec le libéralisme sont déjà partis. Il y a donc aujourd’hui une cohérence pour affirmer que l’écologie se situe dans le camp de la transformation de la société, et que notre périmètre politique, c’est celui que nous avons construit avec Benoît Hamon, plus celui qui existe autour de et dans la France insoumise, mais surtout toutes celles et ceux qui imaginent, inventent et espèrent un monde de demain désirable.