Donald Trump, en Président normal…
En réaffirmant les « liens indestructibles » qui unissent les États-Unis à l’Arabie saoudite et à Israël, le président américain est revenu à la « tradition ».
dans l’hebdo N° 1455 Acheter ce numéro
On le dit imprévisible, et même foldingue. Et il l’est. Mais il se pourrait bien qu’au Moyen-Orient, Donald Trump soit tout simplement un Président « normal ». Plus, en tout cas, que ne l’a été son prédécesseur, Barack Obama, dont les convictions intimes (très timidement exprimées, il est vrai) heurtaient parfois la tradition de la diplomatie étatsunienne. Obama n’aimait guère la droite israélienne et son chef Benyamin Netanyahou. Il n’avait pas une passion débordante non plus pour la dynastie des Saoud. Il a mis ces gens au supplice en négociant patiemment avec l’Iran un accord qui visait à réintégrer la République islamique dans le concert international. Avec Trump, nous assistons à un retour à la normale.
Après quatre mois d’une présidence chaotique, il vient de réserver à l’Arabie saoudite et à Israël ses deux premières escales à l’étranger. Il avait fallu quatre ans pour qu’Obama fasse le voyage de Jérusalem. En 48 heures, Trump a donc honoré deux contrats que les États-Unis ont scellés avec l’histoire. Depuis au moins 60 ans, ils sont les grands parrains et protecteurs d’Israël, à coups de milliards et de veto aux Nations unies. Ils ont ainsi beaucoup fait pour entretenir et envenimer un conflit qui a empoisonné une bonne partie de la planète. Le pacte avec la monarchie saoudienne, signé par Roosevelt et Ibn Saoud, père du roi actuel, remonte à 1945. Un pacte tout simple : vous nous garantissez notre approvisionnement en pétrole et on vous assure la protection militaire, et l’impunité pour tout ce que vous pourriez commettre d’ignoble. Décapitations, lapidations et oppression des femmes comprises. Le deal valait pour 60 ans ; le bail a été renouvelé en 2005 par George W. Bush.
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Au moment où nous bouclons ce numéro, les informations sur l’attentat de Manchester sont encore mouvantes. Nous y reviendrons sur notre site Politis.fr.
Mais le « mal » a un nom. Il en a même deux : l’État islamique (Daech), et l’Iran qui « attise les feux du conflit confessionnel et du terrorisme ». Contrairement à ce qu’ont cru comprendre beaucoup de commentateurs, Trump n’a donc pas précisément prononcé un discours « d’apaisement ». Il a pris violemment parti dans la guerre entre les deux islams, chiite et sunnite. Sa diatribe anti-iranienne, au-delà de son opportunisme évident, tombe particulièrement mal au lendemain de la victoire du modéré Rohani à l’élection présidentielle. Pour faire avancer la société iranienne, celui-ci aurait grand besoin d’une levée de sanctions qui sont désormais sans fondement.
Le discours de Trump ne peut que renforcer le camp des conservateurs. Pour cela même, il n’aidera pas non plus à une solution à la crise syrienne dans laquelle les Gardiens de la Révolution sont engagés au côté du dictateur syrien. La solution se trouve d’ailleurs au moins autant à Moscou qu’à Téhéran. En outre, l’imputation du terrorisme international à l’Iran défie l’évidence. La généalogie d’Al-Qaïda nous ramène plutôt dans la famille des Saoud. Quant au groupe État islamique, il est né de l’offensive américaine en Irak, et il a longtemps prospéré grâce à l’aide saoudienne… L’Iran commet des crimes, en Syrie notamment, mais pas ceux-là ! Les « liens indestructibles » n’ont que faire de la vérité.
Si le discours de Ryad est facile à décrypter dans son mercantilisme grossier, celui de Jérusalem est plus énigmatique. Après s’être offert une promenade dans la Vieille Ville, palestinienne, puis au mur des Lamentations, Donald Trump en a appelé à la coopération « entre les trois religions, chrétienne, juive et musulmane ». Comme si le conflit israélo-palestinien n’était pas avant tout de nature coloniale. Une longue histoire de dépossession de terres. Faute de vouloir identifier le conflit pour ce qu’il est, on ne peut le résoudre. Mais Trump dit rêver de paix. Et ses conseillers prépareraient une relance des négociations pour l’automne. C’est peu dire que nous sommes incrédules, car le passé nous a enseigné que la paix est en trompe-l’œil si elle n’est pas synonyme de droit. Droit des Palestiniens à un État dans les frontières de 1967, et, par conséquent, décolonisation. On voit mal le Président foldingue, dont le pouvoir vacille, se lancer dans une aventure autant à contre-emploi.
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