Hafizullah, 22 ans, « dubliné » et en danger
Un jeune Afghan hébergé en Lozère a été renvoyé en Norvège du fait de la procédure de Dublin. Il risque l’expulsion vers son pays d’origine, où son père a été assassiné.
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Deux fois par semaine, Hafizullah Safi, 22 ans, venait pointer à la gendarmerie de Marvejols (Lozère). La préfecture de Mende lui en avait intimé l’ordre après l’avoir assigné à résidence. Le 9 mai, alors que le jeune Afghan se présentait comme à l’accoutumée, les gendarmes l’ont arrêté puis envoyé vers le centre de rétention de Lyon, qui, le lendemain, l’a mis dans un avion pour la Norvège.
« Il était terrorisé à l’idée de repartir dans ce pays qu’il a fui et où, sa demande d’asile ayant été rejetée, il sait qu’il sera renvoyé vers l’Afghanistan, où son père a été égorgé par les talibans », se désole Catherine. Professeure de français à la retraite, elle dit rester « sans voix » devant cette expulsion : « On pensait qu’on aurait du temps pour réagir, trouver une solution. Tout s’est passé si vite ! » « J’applique les règles », aurait justifié le préfet, Hervé Malherbe.
Avec une autre habitante de Marvejols qui donne aussi des cours de français aux « jeunes du CAO » (centre d’accueil et d’orientation), Catherine a écrit deux textes. Dans l’un, les deux femmes racontent comment Hafizullah est arrivé en Lozère en février, en bus, « après une marche de six mois (où la police lui a tiré dessus à la kalachnikov et l’a blessé au genou), la Turquie, la Bulgarie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, la Suède… ». Hébergé en Norvège à partir de septembre 2015 avec d’autres jeunes, il avait commencé à y suivre des cours de norvégien, de maths et de musique, puis il s’était enfui après le rejet de sa demande d’asile. En France, il est resté un moment à la rue, « à Paris peut-être, on ne sait pas trop », glisse Élisabeth, membre de RESF 48.
C’est l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) de Montpellier qui a précisé au jeune homme qu’il tombait sous le coup de la procédure de Dublin et ne pouvait déposer de demande d’asile dans l’Hexagone. « De fin février au 9 mai, il suit avec une parfaite assiduité les cours de français, fait la connaissance de plusieurs personnes, aide des bénévoles au Secours populaire un après-midi par semaine, fait du sport », poursuit Catherine, en soulignant le caractère « aimable » d’Hafizullah : « Sans doute était-il anxieux en songeant silencieusement à son sort, à celui de ses proches et de son pays. Parvenait-il à contacter sa famille en Afghanistan ? Nous ne le savons pas. »
Le CAO de Marvejols a été créé après le démantèlement de la jungle de Calais pour une quinzaine de migrants, tout particulièrement afghans, pakistanais, érythréens, irakiens. Âgés de 22 à 26 ans en moyenne, les migrants y sont accompagnés par l’association La Traverse, assistée du Secours populaire, des Restos du cœur, d’Emmaüs, du Secours catholique et d’Alter pour les colis alimentaires et l’organisation d’activités.
« Si certains habitants n’ont pas vu arriver les migrants d’un très bon œil, ceux-ci sont globalement bien accueillis dans cette petite ville de 6 000 habitants où le tissu associatif est assez développé », confie Catherine. Pour preuve : la plupart des résidents du CAO souhaitent s’installer en Lozère. À condition qu’ils puissent obtenir un titre de séjour et trouver du travail. Un autre jeune Afghan du CAO, lui aussi « dublinable »,a quitté la France de peur de subir le même sort qu’Hafizullah, « avec des pensées suicidaires », précise RESF 48.
Catherine et sa collègue rappellent : « Depuis le début de la Deuxième Guerre mondiale, les Marvejolais ont toujours reçu des réfugiés, des résistants de tous les pays en guerre au fur et à mesure des conflits. » Hafizullah a envoyé un message de Lyon. Depuis, rien. Le 17 mai, un rassemblement était organisé devant la préfecture « pour manifester notre colère », précisait l’appel.