La (vraie) société civile répond à Emmanuel Macron
Face au pedigree des « experts » qui composent le gouvernement, associations, syndicats et collectifs s’étonnent voire s’inquiètent.
Il y a l’affichage réussi dans le nouveau gouvernement piloté par le Premier ministre Édouard Philippe : Nicolas Hulot à la « Transition écologique et solidaire », Françoise Nyssen à la « Culture ». Légitimité, pragmatisme… les intitulés comptent. Raison pour laquelle la société civile, la vraie, au sens de groupements de citoyens autonomes de l’État, s’étonne par exemple de la disparition d’un ministère dédié au logement au profit d’un ministère de la Cohésion des territoires. « Le logement, grand absent du nouveau gouvernement », déplore la Fondation Abbé Pierre (FAP). « Emmanuel Macron aurait-il déjà oublié les mal-logés ? », ajoute l’organisation en renvoyant au discours du candidat Macron lors de la présentation du 22e rapport sur le mal-logement. « La cause du logement a besoin d’un ministre à part entière. Cet oubli doit être réparé au plus vite », ajoute la FAP.
« Cit-gît le ministère du Logement », s’alarme aussi le collectif Droit au logement. « Macron a fait la peau au ministère du Logement, réclamée notamment par les milieux de l’immobilier. […] L’absence de secrétaire d’État au logement renforce cette inquiétude, et renvoie aux premières années du gouvernement Raffarin, où les politiques du logement, insignifiantes et au profit d’une politique du marché immobilier, étaient gérées par un membre du cabinet de Gilles de Robien, à la tête du ministère des Transports, de l’Équipement, du Logement, du Tourisme et de la Mer de 2002 à 2005. L’avenir des politiques d’hébergement se pose également et pourrait échoir au ministère des Solidarités et de la Santé », complète le collectif qui invite déjà à marcher vers le ministère de Richard Ferrand le 24 mai.
« Non négociable, Monsieur le recteur »
Du côté de l’Éducation, les esprits sont déjà très remontés face aux deux gros dossiers annoncés dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron : revenir sur la semaine de cinq jours à l’école pour les communes qui le souhaitent et passer les classes de CP et CE1 de Rep et REP + à 12 élèves (au lieu de 24 voire 26). Comment entamer de tels chantiers dans l’urgence pour la rentrée prochaine ? Sur le premier point, les parents d’élèves de la FCPE avaient déjà annoncé : « Il n’est pas négociable de remettre en question les cinq matinées d’enseignement par semaine, qui répondent aux besoins d’apprentissage des enfants ». Et les enseignants du Snuipp-FSU : « Laisser aujourd’hui chaque municipalité choisir de poursuivre ou non dans cette voie n’est pas acceptable. Le Snuipp-FSU demande sa remise à plat et le retour à un cadrage national ».
Sur le deuxième point, l’inquiétude porte sur le nombre d’enseignants nécessaires pour mettre en place les dédoublements de classe : ils pourraient être puisés dans les 5 000 postes affectés au dispositif « Plus de maîtres que de classes ». « Il n’est pas acceptable d’opposer la réduction de la taille des classes de CP et de CE1 au maintien du dispositif “Plus de maîtres que de classes”, avertit le Snuipp. L’attribution d’un maître surnuméraire aux écoles de l’éducation prioritaire est plébiscitée par une grande majorité de nos collègues (86 % d’enseignants satisfaits d’après l’enquête du Snuipp-FSU de juin 2016). Le dispositif permet de travailler plus collectivement et de faire évoluer les pratiques pédagogiques, il améliore le climat de classe et les apprentissages. Les enseignants de ces écoles ne comprennent pas que vous remettiez en cause un dispositif dans lequel ils se sont fortement engagés et qui montre ses premiers effets sur la réussite des élèves. » Sans compter que dédoubler les classes pose des problèmes de logistique évidents notamment dans des établissements où il manque déjà des salles.
Au lieu de former des classes distinctes de 12 élèves, on pourrait affecter de façon permanente deux enseignants à des classes de 24 enfants.
Une pétition circule pour réclamer la pérennisation du dispositif. Elle est notamment signée par Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires, qui suggère une autre possibilité :
Concernant la personnalité de Jean-Michel Blanquer, que le journal Libération présente comme « classé à droite », le Café pédagogique détaille son projet pour l’école : autorité, autonomie des établissements, réduction des fondamentaux au français et aux mathématiques, groupes de niveaux… Jean-Michel Blanquer, ancien recteur, était numéro 2 du ministère de l’Éducation du gouvernement Sarkozy, époque à laquelle il avait combattu une proposition visant à réduire les effectifs en primaire et en zone prioritaire.
Risques de conflits d’intérêt ?
Sur le front de la Santé, les craintes se portent sur le risque de conflits d’intérêt. En effet, la nouvelle ministre, Agnès Buzyn, a été présidente de l’Institut national du cancer (Inca) et de la Haute Autorité de santé (HAS), autorité administrative indépendante qui évalue les médicaments, émet des recommandations et certifie les établissements. Elle « n’a jamais caché tout le mal qu’elle pense de la loi Bertrand, adoptée en décembre 2011», prévient Mediapart. « L’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts », expliquait-elle en février 2013. « Avec Agnès Buzyn, on est au-delà du conflit d’intérêts, renchérit le Formindep, collectif qui défend une information indépendante sur les médicament. Pour elle, l’indépendance de l’expertise n’est pas une valeur en soi ni un devoir. Elle l’a au contraire publiquement décrite comme un véritable handicap. Sa conception de l’expertise sanitaire est datée, c’est celle des mandarins, reposant sur l’argument d’autorité ex cathedra, et non une médecine fondée sur les preuves scientifiques. »
La fiche mémo consacrée à l’hypertension artérielle de l’adulte a été validée par le collège de la Haute Autorité de santé ce 22 mars 2017. L’élaboration de ce document semble cependant avoir méconnu les procédures, méthodologie, et règles de prévention des conflits d’intérêts qui s’imposent à la HAS.
Le 10 mai, le Formindep avait écrit à la future ministre une lettre ouverte épinglant la HAS en raison de conflits d’intérêts autour de l’hypertension artérielle :