OGM : Le fiasco de Monsanto au Burkina Faso
La firme, qui avait implanté son coton transgénique dans le pays, a dû admettre son échec sous la pression de la société civile et des agriculteurs.
dans l’hebdo N° 1452 Acheter ce numéro
C’est une grande victoire, une première dans le monde, dont le retentissement a dépassé le pays, se félicite Blandine Sankara, porte-parole du Collectif citoyen pour l’agroécologie (CCAE). Et il est très satisfaisant d’avoir vu participer de nombreux paysans et jeunes. » Au printemps 2016, sous la pression de la société civile, le nouveau gouvernement burkinabè, au pouvoir après la fuite de Compaoré, met un terme à la calamiteuse conversion de la culture cotonnière à la variété transgénique Bt de Monsanto. Elle promettait monts et merveilles aux agriculteurs : tout est démenti ou presque.
L’aventure OGM commence dans le secret en 2003. La firme états-unienne entame des recherches pour mettre au point une variété capable de synthétiser son propre insecticide, pour combattre le lépidoptère résistant aux insecticides classiques, et qui menace la filière coton, deuxième source de devises pour le Burkina Faso. En contradiction avec le Protocole de Carthagène : le pays, qui en est signataire, aurait dû s’équiper d’une loi de biosécurité avant toute introduction d’OGM. La complicité s’organise au plus haut niveau : un accord est signé entre Monsanto, l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (Inera) et la Sofitex, société cotonnière d’État qui contrôle 80 % de cette filière dans le pays. Et les autorités décident la promotion à grande échelle du coton Bt. Un attirail réglementaire de biosécurité est finalement adopté, et les premières cultures démarrent en 2008. L’expansion de la variété transgénique culmine en 2013. Elle occupe alors 442 000 hectares, près de 70 % des surfaces en coton.
D’évaluation socio-économique, point, en dépit des récriminations montantes des paysans. La Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), un réseau citoyen intervenant dans quinze pays de la sous-région, se charge alors d’une étude de terrain auprès de 200 cultivateurs. « Nous nous sommes substitués aux pouvoirs publics défaillants », appuie Jean-Paul Sikeli, secrétaire exécutif de la Copagen à Abidjan. Les conclusions de son expertise sont accablantes, contraires aux allégations de Monsanto : l’abandon des variétés conventionnelles pour le coton Bt a provoqué une hausse de 32 % des coûts à la tonne produite, une baisse de 7 % pour les rendements, et de 14 % pour les revenus – dont les promoteurs de la variété miracle promettait une hausse de 64 % ! Seul bénéfice, une diminution de la pénibilité au travail car le nombre de traitements chimiques est divisé par trois : il n’y a plus besoin d’appliquer d’insecticide… au début. Car les paysans constatent l’apparition de chenilles de lépidoptères résistantes, et il faut reprendre les traitements.
La Sofitex, qui achète leur production pour l’exporter, ne s’émeut que lorsqu’elle constate que la variété Bt produit durablement une fibre courte décotée sur les marchés internationaux. Lésée, la filière coton réclame aujourd’hui 50 milliards de francs CFA [1] à Monsanto. Le gouvernement, qui n’a pu que convenir du fiasco, rompt le contrat Monsanto et donne le signal de l’abandon du coton Bt. Le reflux est encore plus spectaculaire que la conversion : le Burkina Faso devrait être libre de coton OGM dès les semailles de la saison 2017-2018.
« La prise de conscience et l’implication des paysans sur une question aussi technique est une de nos grandes satisfactions », souligne Aline Zongo, référente de la Copagen au Burkina Faso. La lutte n’est pourtant pas terminée. Les militants anti-OGM réclament un moratoire de dix ans pour que soient correctement évalués tous les impacts du coton Bt – pollution génétique, maladie des animaux, dégradation des sols, etc. Et puis, si l’on supputait le départ de Monsanto, une information discrètement relâchée par un chercheur ghanéen le dément : la firme préparerait des variétés OGM de niébé (haricot local) et de sorgho, aliments de base des familles, destinées au Ghana ainsi qu’au Burkina Faso. Le bruit circulait déjà, mais c’est la date annoncée pour l’introduction sur les marchés qui a fait l’effet d’un électrochoc : 2018.
[1] Environ 74 millions d’euros.