Rétropédalage sur un « festival anti-Blancs »
Anne Hidalgo crée la polémique en voulant faire interdire un festival afroféministe programmant 80 % de débats « non mixtes femmes noires ».
dans l’hebdo N° 1456 Acheter ce numéro
« Un festival interdit aux “Blancs” dans des locaux publics, Anne Hidalgo doit s’expliquer », a clamé Wallerand de Saint-Just, le secrétaire de la fédération du Front national (FN) de Paris, le 26 mai. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle a flambé : la mairie de Paris doit accueillir du 28 au 30 juillet le Nyansapo Fest, festival qualifié d’« anti-Blancs ». Le 28 mai, Anne Hidalgo a demandé son annulation.
La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) ayant déploré « que le combat antiraciste soit devenu un alibi de repli identitaire », la mairie ne donnait pas ainsi le sentiment de ne suivre que le FN.
Entre-temps, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) avait dénoncé « l’organisation d’un festival comportant des espaces “en non-mixité” fondés sur la race ».
Finalement, le 29 mai, Anne Hidalgo a proposé un compromis : tous les événements dans des locaux publics seront ouverts à tous. Soit… juste ce qui était prévu au départ par Mwasi, le collectif afroféministe qui accueille le festival.
Beaucoup de bruit pour rien ? C’est à voir. Le Nyansapo Fest n’a jamais été interdit aux Blancs, mais découpé en espaces dont 80 % « non mixtes femmes noires », puis un espace « mixte personnes noires », et un autre « ouvert à tou(te)s », dans des locaux loués dans le XIe à la mairie de Paris par la coopérative La Générale. Les ateliers non-mixtes devant se tenir dans des locaux privés.
Cette répartition géographique n’était pas précisée sur le site Internet de Mwasi. Mais est-ce vraiment cela qui a choqué ? Ou le principe de non-mixité de certaines réunions, régulièrement discuté, pour « sécuriser la parole des concernées », mais non négociable pour les militantes de Mwasi, lesquelles préfèrent mettre leur temps « au profit de la lutte » plutôt qu’à dispenser de la pédagogie ?
« Lorsque la question de la race n’est pas évoquée, les groupes de discussion féministes “entre femmes” n’ont jamais posé de problème à grand monde », ont réagi La Générale et Mwasi, se déclarant victimes « d’une campagne de désinformation et de “fake news” orchestrée par l’extrême droite ». Attristés aussi de voir des associations antiracistes se retrouver « du coté des racistes ».
À en croire un texte de soutien au festival paru sur Mediapart et signé notamment par Rokhaya Diallo, journaliste et auteure, Françoise Vergès, politologue, et Sihame Assbague, journaliste et militante antiraciste, les organisateurs auraient été la cible d’une opération de harcèlement lancée par le forum 18-25 ans sur le site jeuxvideo.com, plateforme très prisée des militants fascistes.
Un mois après l’appel à « faire barrage au FN », le discours du parti frontiste trouve écho et relais sans trop de vérification, y compris à la tête d’institutions.
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