Sauve-qui-peut la droite !
Grâce à leurs implantations locales, les candidats LR et du centre pourraient obtenir un groupe parlementaire important.
dans l’hebdo N° 1453 Acheter ce numéro
Au soir des primaires de la droite et du centre, l’élection de François Fillon à la présidence de la République était donnée pour quasi certaine. On connaît la suite, comme le racontent deux journalistes du Monde chargés de suivre la campagne du candidat Les Républicains (LR), dans un livre très vite publié [1] : « Les affaires ont surgi. La douce ascension vers les salons de l’Élysée s’est transformée en chemin de croix. À chaque station, une nouvelle révélation. Peu à peu, ce scrutin jugé imperdable s’est transformé en une élection ingagnable. » Le soir du premier tour, la droite est éliminée : un événement inédit sous la Ve République. Le séisme est encore plus profond qu’en 1974, lorsque l’impensable pour les gaullistes advient avec la qualification au second tour du candidat centriste Valéry Giscard d’Estaing. Les deux journalistes du quotidien du soir concluent ainsi leur prompte analyse : « Le député de Paris entraîne dans sa chute son camp politique, qui s’apprête à vivre une lente descente vers l’inconnu. Après deux échecs successifs à la présidentielle, la droite se retrouve en lambeaux. »
Est-ce si sûr ? Certes, la campagne chaotique de François Fillon a durement lacéré le parti LR. Au fil des affaires mettant en cause le candidat sarthois, les défections se sont succédé, isolant toujours plus celui dont les sorties en public ne se faisaient plus qu’accompagnées de concerts de casseroles. Ses concurrents à la primaire, disciplinés, qui s’étaient rangés derrière le vainqueur, l’ont peu ou prou lâché de semaine en semaine… après chaque édition du Canard enchaîné. En jouant « le peuple contre les élites » lors du rassemblement du Trocadéro, largement organisé par Sens commun, François Fillon a placé sa campagne du côté d’une droite de plus en plus dure. Cependant, malgré les rancœurs de nombre de ses dirigeants, la droite se trouve-t-elle si mal en point pour affronter les scrutins des 11 et 18 juin ?
La prise de distance avec François Fillon de la part de nombre de sortants LR au Palais Bourbon (ou de nouveaux candidats) ne les met pas forcément en si mauvaise posture, car ils sont souvent forts d’un solide ancrage local. L’étiquette LR n’apparaît finalement pas comme un handicap indépassable. Le danger vient plutôt de la concurrence des candidats d’En marche ! (EM), plus encore lorsque ceux-ci proviennent eux-mêmes de la droite ou des formations centristes, parfois puissantes dans certaines circonscriptions réputées conservatrices.
Avec l’échec de Marine Le Pen, la dynamique du Front national est pour une bonne part enrayée, plaçant souvent les candidats LR, a fortiori en cas de triangulaires (voire de quadrangulaires), en position favorable. À l’instar de ce qui s’est produit lors des dernières élections régionales, quand le PS (et parfois toute la gauche) a dû voter pour les listes LR contre l’extrême droite. Ainsi, lorsque les candidats d’En marche ! ne seront pas en bonne posture, malgré la dynamique présidentielle en leur faveur, bon nombre de sortants ou de nouveaux aspirants LR, dans des circonscriptions où la gauche de la gauche est mal implantée ou divisée (avec de surcroît un PS en lambeaux), pourraient facilement l’emporter.
Le risque majeur, pour les potentiels élus LR au Palais Bourbon, réside donc surtout dans la division de la droite et du centre. Le sarkozyste Éric Woerth, chargé du projet LR pour les législatives, ne disait pas autre chose dans un entretien au Parisien le 3 mai : « On gagnera ensemble ou on perdra divisés. »
Le choix d’un chiraquien d’origine pour diriger la campagne des législatives, François Baroin, devenu sarkozyste mais connu pour sa « modération », porte évidemment cette ambition. Avec pour stratégie de rejeter l’échec à la présidentielle sur le seul soldat Fillon et de resserrer les rangs. François Baroin a ainsi menacé d’exclusion les ténors de la droite qui seraient tentés d’offrir leurs services à Emmanuel Macron, visant directement Christian Estrosi, Xavier Bertrand ou Bruno Le Maire, lesquels ont déjà entamé des manœuvres d’approche en direction du nouveau président de la République.
[1] François Fillon, les coulisses d’une défaite_, Matthieu Goar & Alexandre Lemarié, L’Archipel, 2017.