Concert solidaire : liberté de circulation !
Les Têtes raides, Arthur H, Gaël Faye et de nombreux autres artistes se sont produits hier soir sur la scène du Trianon à Paris, pour défendre la liberté de circulation. Un concert à l’émotion et l’énergie contagieuses, organisé par le Gisti.
Christian Olivier, le chanteur des Têtes raides, laisse le silence s’installer. Dans sa main, un carnet d’écolier, sur lequel est écrit le poème de Jacques Prévert « Étranges étrangers ». Il attend le bon moment, puis se lance, d’une voix profonde : « Kabyles de La Chapelle et des quais de Javel / hommes de pays loin / cobayes des colonies / doux petits musiciens / soleils adolescents de la porte d’Italie / Boumians de la porte de Saint-Ouen / Apatrides d’Aubervilliers… » . La salle du Trianon de Paris est suspendue à ses lèvres. Les Têtes raides font un retour ce soir, après une longue pause, spécialement pour ce concert organisé par le Gisti, association de défense de la liberté de circulation et des droits des étrangers. Les Têtes raides enchaînent avec un live explosif. L’Iditenté, titre composé à l’origine avec Noir Désir pour un concert Liberté de circulation donné le 7 avril 1999 et enregistré en CD, prend tout son sens ce soir : « Que Paris est beau quand chantent les oiseaux / Que Paris est laid quand il se croit français ».
Sur la scène du Trianon se succèdent aussi Arthur H, Gaël Faye, Flavia Coelho, Bibi Tanga, Infecticide, La Dame Blanche, Tie & The Love Process, Lost… Une variété de style musicaux, pour un seul message, porté par des intervenants du Gisti entre chaque concert : défendre la liberté d’aller, venir et vivre librement. Et contre la politique de la fermeture des frontières, fondée sur une discrimination « éthiquement inacceptable » selon le lieu de naissance. Plus tôt dans la soirée, autour d’une table ronde installée dans le hall du Trianon, un réfugié soudanais témoignait ainsi : « Vous vous doutez bien que nous ne sommes pas arrivés confortablement par avion. Nos avions, ce sont des embarcations de fortune surchargées. Notre ciel, la Méditerranée. Nos aéroports, des hangars où les passeurs nous traitent comme des immondices. Pourtant la seule différence qui existe entre nous, c’est que vous êtes nés ici, et nous, là-bas : une simple différence de latitude et longitude. »
Au milieu de la soirée, les artistes se regroupent sur scène pour lire ensemble le texte « Frères migrants » de Patrick Chamoiseau, invité lui aussi des tables rondes. Une lecture accompagnée musicalement, et partagée dans plusieurs langues : farsi, espagnol, sénégalais, portugais, créole, anglais et, pour le français, la voix grave et traînante d’Arthur H.
Poésie, musique et solidarité s’emmêlent et emmènent la salle. Gaël Faye monte sur scène avec Samuel Kamanzi et Jenrian, deux chanteurs-musiciens sans-papiers. Des « frères de route », eux aussi partis de leur pays d’Afrique centrale. Sauf que « moi j’ai eu la chance d’avoir un passeport français, pas eux. Moi je peux répéter et faire mes concerts comme je veux : eux, ils passent leur temps dans les galères avec l’administration française ». Gaël Faye fait virevolter les mots de son morceau Pili-Pili sur un croissant au beurre. Puis le trio solidaire chante Akiba (« Merci »), de Jenrian. Un refrain repris en chœur par le public qui, inarrêtable, continue même après la fin du morceau… Avant de faire résonner la salle du Trianon pendant de longues minutes avec un cri : « De l’air ! de l’air ! Ouvrez les frontières ! »
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