Contre les lobbys miniers, la résistance se muscle

Les opposants aux explorations minières en France profitent de la période électorale pour renforcer la mobilisation contre ces projets d’un autre temps.

Vanina Delmas  • 16 juin 2017 abonnés
Contre les lobbys miniers, la résistance se muscle
Photo : Mobilisation des opposants aux projets miniers, le 14 juin 2017, à Paris.
© VD

A pprochez-vous, Mesdames et Messieurs, la vente aux enchères va commencer ! La mise à prix pour la mine de Salau est à 10 millions d’euros. Qui dit mieux ? » Affublé d’un chapeau haut de forme et d’un nœud papillon, un faux commissaire-priseur détaille les différents sites d’exploration minière qui émergent en France. Autour de lui, une vingtaine de personnes jouent le jeu et lancent à la volée tous les arguments qui leur passent par la tête : « La pollution dans nos ruisseaux, on n’en veut pas ! », « Les emplois promis sont des mensonges ! », « Et notre santé, on en fait quoi ? »

Cette petite scène de théâtre s’est déroulée à l’entrée de l’École des mines de Paris, où se déroulait jeudi 15 juin un forum sur le thème « L’Europe minière et la place de la France ». Une occasion que n’ont pas voulu rater les collectifs d’opposants constitués depuis que des permis exclusifs de recherches minières ou d’exploitation de mines ont été accordés sur tout le territoire (Bretagne, Pays de la Loire, Haute-Vienne, Dordogne, Creuse, Pays basque, Ariège, Guyane) comme le montre avec soin la Miss Mines du jour, transformant peu à peu la carte de la France pleine de beaux paysages bucoliques en un patchwork de signaux d’alarme effrayants.

Lauréline Lesselingue a assisté à la journée de conférence, à laquelle participait notamment Jack Testard, président de Variscan Mines, la société australienne qui prospecte entre autres les sols bretons. Elle en ressort dépitée. « Ils ont écrit en toutes lettres sur leur PowerPoint qu’il y a “un potentiel espéré très positif” chez nous et ont pointé la “non-acceptabilité du projet par les populations”, nous ont qualifiés de “faux spécialistes” soumis à des “croyances irrationnelles” ! », affirme-t-elle en lisant scrupuleusement ses notes.

Si Variscan Mines a finalement décidé d’abandonner le permis de Dompierre, près de Fougères, en janvier dernier, les habitants restent déterminés à soutenir leurs voisins dans cette lutte. En effet, le sol fertile en métaux de la Bretagne est particulièrement visé, notamment à Merléac, dans les Côtes-d’Armor, pour trouver du plomb, du zinc et même de l’or. « Nous profitons aussi de la période électorale pour interpeller les candidats aux législatives et surtout le parti En marche !, car c’est le ministre Macron qui a signé beaucoup de décrets accordant des permis de recherche et c’est le président Macron qui affirme qu’il n’y a pas de planète B », précise-t-elle. La détermination des habitants est intacte, et se renforce même depuis un an. Plus de 600 personnes se sont réunies le 13 juin à l’appel de l’association Vigil’Oust pour former un mot au sol : « Abroger ». Et un gros noyau de résistants se forme, prêt à se réunir dès qu’une foreuse fera son apparition sur leurs terres.

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Le point sensible de l’après-mine

Le discours de sourd entre habitants, représentants de l’État et des compagnies minières révèle une distorsion entre les priorités de chacun. Annie Thébaud-Mony, sociologue spécialiste des questions de santé publique, travaille notamment sur les maladies professionnelles des mines de Salau (Ariège) et Salsigne (Aude). Elle non plus n’a pas obtenu de réponses à ses multiples interrogations d’intérêt général. « Chaque fois que nous posons des questions moins techniques mais plus de société, ils nous répondent “on verra plus tard, à la pause, à la fin de la journée » », raconte-t-elle. Elle poursuit :

Tant que les compagnies minières n’intègreront pas les notions et le coût de la prévention au normes d’exploration des sols, leur discours de mine responsable ne sera qu’un discours abstrait, du marketing !

Le sujet sensible de l’après-mine exacerbe les tensions. Violaine et Jacques, du collectif Stop mine Salau, sont venus du petit village pyrénéen de Couflens, en Ariège. En 2015, ils apprennent _« par hasard » qu’un permis exclusif de recherche minier est déposé chez eux. Or les habitants du coin connaissent très bien le sujet. À la fin des années 1960, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) fait la découverte d’un gisement de tungstène et démarre l’exploitation de la mine, jusqu’en 1986. Depuis la fermeture, des mineurs sont décédés des suites d’une exposition à l’amiante, les maladies pulmonaires se multiplient et les résidus pollués, notamment à l’arsenic, sont restés à l’air libre. « La dépollution des sites et la santé des travailleurs ne sont jamais pris en compte dans les coûts d’une mine. Mais pour eux, ce n’est pas la peine de prévoir cette dépollution puisque les futures mines ne pollueront pas », explique Violaine. Aucun d’entre eux ne croient à la « mine propre », « verte », « responsable » défendue par l’État. « C’est du vol de territoire, du mépris envers les habitants et toujours de la ruse juridique pour faire accepter leurs projets », renchérit Jacques.

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Que fait Nicolas Hulot ?

Le nom de Nicolas Hulot revient sans cesse dans la bouche des opposants, entre espoir et doutes, car, pour le moment, le ministre de la Transition écologique et solidaire est resté très discret sur le sujet. « Notre principal souci aujourd’hui, c’est leur refus de s’exprimer publiquement sur le sujet. Nous n’avons que des paroles rapportées, explique Nicolas Hervé, candidat d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) pour les élections législatives dans la circonscription Lamballe-Loudéac, en Bretagne. Ils vont sûrement essayer de faire passer la pilule en proposant une étude indépendante mais c’est seulement pour gagner du temps. » En effet, dans un message de soutien envoyé à Olivier Allain, candidat de La République en marche sur la même circonscription, Nicolas Hulot a précisé être « sensibilisé aux difficultés posées par les permis miniers de Merléac » et souligne son souhait « qu’une étude indépendante soit menée ».

Il se murmure également qu’une rencontre avec le ministre et le président de la République devrait avoir lieu la semaine prochaine. Mais les militants souhaitent un débat plus large, car c’est tout le territoire français qui est touché par ces projets, et ne veut pas de demi-mesure. « Dans notre esprit, c’est assez clair : d’abord abroger tous les permis de recherche miniers, ensuite revoir entièrement le code minier français, et enfin intégrer dans leurs plans les conséquences à long terme des mines pour l’environnement et les habitants, conclut Nicolas Hervé. Il faut ouvrir le débat du recyclage dès la conception des produits utilisant ces métaux, notamment les smartphones, mais malheureusement rentrer dans ce processus d’économie circulaire sera long et va à l’inverse des logiques actuelles de production. »

Écologie
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