Emmanuel Macron porté par une énorme vague d’abstention

Dans un scrutin marqué par une très faible participation, La République en marche l’emporte nettement. Le PS est laminé, le FN recule fortement, et la France insoumise s’impose comme « l’opposition écologique et sociale ».

Michel Soudais  • 12 juin 2017
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Emmanuel Macron porté par une énorme vague d’abstention
© Photo : Patrick KOVARIK / AFP

Les représentants de La République en marche (LREM), étiquette sous laquelle se présentaient les « candidats officiels » d’Emmanuel Macron, avaient dimanche soir sur les plateaux de télé le triomphe modeste. Certes leur mouvement associé au MoDem de François Bayrou enregistre en pourcentage des suffrages exprimés un score enviable –32,32 % – devant la droite (LR-UDI-DVD) à 21,56 %, le FN à 13,2 % et la France insoumise à 11,02 %, mais ce résultat est obtenu dans un raz-de-marée d’abstentionnistes.

La principale donnée de ce scrutin est en effet le très faible niveau de participation. L’abstention, 51,29 % contre 42,8 % en 2012, n’a jamais été aussi importante lors d’élections législatives depuis 1958. La faute à la prééminence de l’élection présidentielle ? C’est ce qu’ont pointé plusieurs responsables politiques, dont Pierre Laurent. Le numéro 1 du PCF a noté sur France 2 que l’abstention avait bondi de 17 points depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, mis en application en 2002. En réalité, la baisse constante de l’abstention dans ce scrutin a commencé neuf ans plus tôt, en 1993, juste après l’adoption du traité de Maastricht. Des leaders politiques importants comme Jacques Delors avaient alors affirmé que près de 80 % de notre législation nationale était désormais d’origine européenne.

Quand donc, avec 32,32 % des voix, soit à peine 15,39 % des inscrits, LREM et le MoDem seraient en passe d’obtenir entre 400 et 450 sièges (sur 577), on mesure le caractère antidémocratique des institutions de la Ve République.

Au milieu de cette massive « grève du vote », la droite (Les Républicains, l’UDI et les divers droite) font de la résistance. Avec un score de 21,56 %, elle peut espérer conserver entre 85 et 125 sièges (contre 226 dans la précédente législature).

Gros revers pour le Front national

Le Front national pâtit lui aussi de l’abstention en subissant un important revers. En obtenant 13,2 %, il reflue nettement en voix par rapport à la présidentielle (21,3 %), comme par rapport aux législatives de 2012 (13,6 % ; 2 990 624 voix en 2017 contre 3 528 663 voix en 2012) , et devrait être privé de groupe à l’Assemblée. Entre la présidentielle et la législative. Plus de 4,7 millions de voix sur les 7,7 millions obtenues au premier tour de la présidentielle se sont évaporées.

Plusieurs figures frontistes ont d’ailleurs été balayées dès le premier tour, tels Nicolas Bay (Seine-Maritime), patron de la campagne FN pour les législatives, Jean-Lin Lacapelle (Bouches-du-Rhône), secrétaire général adjoint du parti, ou le comédien Franck De Lapersonne (Somme).

Si Marine Le Pen, à nouveau candidate dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, où se trouve la mairie FN d’Hénin-Beaumont, est en position très favorable, avec 46 % des voix au premier tour, rares sont les circonscriptions encore jouables : Bruno Bilde et José Evrard (Pas-de-Calais), Sébastien Chenu (Nord), Emmanuelle Ménard (Hérault). Gilbert Collard (Gard) connaît en effet une situation compliquée, comme Louis Aliot (Pyrénées-Orientales), Florian Philippot (Moselle), Stéphane Ravier (Bouches-du-Rhône).

La Bérézina du PS

Pour le Parti socialiste dont le score, avec les radicaux de gauche, les écologistes et les divers gauches qu’il soutenait, tourne autour de 10 %, la Bérézina est totale. Le parti de François Hollande, qui contrôlait la moitié de l’Assemblée sortante, s’effondrerait autour de 15 à 40 sièges, selon les estimations des instituts de sondage, soit moins qu’en 1993, où 57 d’entre eux avaient franchi les portes du Palais Bourbon.

Nombre de ses figures sont éliminées dès le premier tour : Jean-Christophe Cambadélis, son premier secrétaire, Benoît Hamon, son candidat à l’élection présidentielle, mais aussi Jean Glavany, Elisabeth Guigou, et les anciens ministres Matthias Fekl, Christian Eckert, Pascale Boistard, Aurélie Filippetti (passée à la fronde en 2014), ainsi que les numéros 2 et 3 du PS Guillaume Bachelay et Christophe Borgel, les lieutenants de Martine Aubry François Lamy et Jean-Marc Germain…

Avantage France insoumise

Le match dans le match entre la France insoumise (FI) et le Parti communiste (PCF) a tourné à l’avantage du mouvement initié par Jean-Luc Mélenchon, que ce dernier a présenté aussitôt comme « l’opposition écologique et sociale, le mouvement humaniste dont le pays a besoin ». La FI a certes perdu des voix depuis la présidentielle, passant de 19,6 % – score obtenu par son candidat, Jean-Luc Mélenchon – à 11,02 % des suffrages. Mais le PCF, avec 2,72 %, éprouve rudement la vérité de son attrait politique.

Résultat, plusieurs figures du PCF sont d’ores-et-déjà hors-courses : Isabelle de Almeida, présidente du conseil national du PCF, est largement devancée par le candidat FI, Boris Obama, dans la 3e circonscription de la Côte-d’Or (1,7 % contre 12,6 %). Patrick Le Hyaric, directeur de L’Humanité et député européen, ne recueille que 8,76 % des voix dans la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis contre 19,35 % pour Bastien Lachaud (FI). Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement, s’incline devant la candidate de la FI, Danièle Obono (10,35 % contre 17 %)…

Selon Jean-Luc Mélenchon, une bonne cinquantaine de candidats de son mouvement, dont lui-même à Marseille, devraient être qualifiés pour le second tour où, en raison de la faible participation électorale, les triangulaires devraient être inexistantes.

Des rivalités coûteuses

La rivalité entre les deux formations a toutefois abouti dans plusieurs circonscriptions à leur élimination dès le premier tour. C’est le cas dans la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône où Jean-Marc Coppola (PCF, 8 %) et Ouali Brinis (FI, 14,75 %) sont devancés par Saïd Ahamada (LREM, 19,86 %) et Sophie Gresh (23,06 %). Ou encore dans la 18e circonscription de Paris où s’affronteront deux candidats se revendiquant de la « majorité présidentielle », Pierre-Yves Bournazel (LR, 31,76 %) et Myriam El Khomri (PS, 20,23 %), les deux candidatures anti-loi travail, celle de Caroline De Haas (soutenue par le PCF et EELV, 13,57 %) et celle de Paul Vannier (FI, 16,6 %), s’étant annulées.

Même Cécile Duflot (EELV, 14,69 %), députée sortante, est devancée dans la 6e circonscription de Paris par Daniele Simonnet, conseillère de Paris (FI, 18,83 %), qui affrontera au second un jeune conseiller politique d’Emmanuel Macron durant sa campagne, Pierre Person (LREM, 39,42 %).

Le résultat de ces rivalités montre toutefois que ceux autour desquels nombre de commentateurs estimaient que le rassemblement de la gauche et des écologistes devait se faire n’étaient pas nécessairement le premier choix des électeurs.

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