Le Comité d’éthique dit oui à l’ouverture de la PMA, non à la GPA
Dans un avis attendu depuis quatre ans, l’institution aux avis consultatifs mais symboliquement forts s’est dite favorable à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, mais opposée aux mères porteuses et à l’autoconservation des ovocytes.
L’attente fut longue. Et la parution de l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) maintes fois reportée. Ce qui n’était pas pour déplaire aux responsables politiques concernés qui pouvaient s’appuyer sur un certain vide pour justifier de ne pas faire avancer la loi sur la procréation médicalement assistée (PMA). Le gouvernement dirigé par Édouard Philippe ne pourra pas utiliser ce stratagème : le 27 juin, dans son avis n° 126, le CCNE s’est dit favorable à l’extension de la PMA à tous les couples, y compris aux couples de femmes donc, et aux femmes célibataires.
Une petite révolution : jusqu’à présent, les techniques d’aide médicale à la procréation étaient réservées aux couples hétérosexuels infertiles. Le CCNE s’est autosaisi en février 2013 pour répondre « aux demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation ».
Ce n’est pas la seule disponibilité des techniques d’AMP [aide médicale à la procréation], mais aussi l’évolution des structures familiales qui ont suscité de nouvelles demandes, dites ici sociétales, quant à l’usage des techniques existantes. Ces demandes d’usage sociétal de l’AMP suscitent des questions éthiques, qu’elles concernent les nouveaux usages de ces techniques ou les nouveaux cadres familiaux que ces usages contribuent à élaborer. Parce qu’ils touchent chacun dans ses valeurs et dans son rapport aux questions de l’origine, de la différence des sexes et de celle des générations, les débats que ces thèmes suscitent sont rapidement passionnés.
En 2013, l’heure était aux débats sur la mariage pour tous, les opposants s’exprimant notamment sur le risque que représentait, pour eux, l’ouverture de la procréation aux couples homosexuels. Le CCNE s’est également penché sur le sujet de l’homoparentalité qu’il documente en annexe de cet avis n°126.
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En insistant sur des « disjonctions » et des « points de butée » passionnants, ainsi que sur l’existence de divergences entre ses membres – notamment sur la possibilité de pouvoir conserver ses ovocytes pour les femmes de plus de 35 ans –, le CCNE arrive à la conclusion suivante :
Les analyses permises par la méthode du groupe de travail […] conduisent une majorité des membres du CCNE à ne formuler aucune opposition à l’ouverture de l’IAD [insémination artificielle avec don de sperme] à toutes les femmes, mais à demander que soient définies des conditions d’accès et de faisabilité.
Les arguments retenus en faveur de l’accès aux techniques d’AMP des couples de femmes et des femmes seules à l’IAD sont de trois ordres : la demande des femmes et la reconnaissance de leur autonomie ; l’absence de violence liée à la technique elle-même ; la relation à l’enfant dans les nouvelles structures familiales.
Une question d’égalité
En revanche, le CCNE, dont les avis strictement consultatifs pèsent néanmoins assez fort symboliquement, s’est déclaré défavorable à l’autoconservation d’ovocytes (en vue d’une grossesse future) et à la gestation pour autrui (GPA ou mères porteuses).
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Le Haut Conseil à l’égalité s’est rapidement déclaré réjoui des conclusions du CCNE en faveur de la PMA et espère _« qu’elles seront prochainement suivies d’un débouché législatif, comme s’y est engagé le président Emmanuel Macron ».
Lorsqu’il faisait campagne, le candidat Macron avait en effet déclaré dans une lettre aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) le 16 avril :
« J’attendrai que le Comité national d’éthique ait rendu son avis pour pouvoir construire un consensus le plus large possible. »
L’ouverture de la PMA à toutes les femmes permettrait de franchir un pas important pour l’égalité des droits entre tous et toutes comment le Haut Conseil à l’égalité qui rappelle que la situation actuelle présente des risques sanitaire et économique pour les milliers de femmes ayant recours à la PMA à l’étranger, et juridique pour les médecins.
Les Effronté-e-s, groupe féministe, se sont dites extrêmement soulagées par cet avis, déjà partagé par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et par le Défenseur des droits, qui dénonçaient en 2015 une « législation discriminatoire ».
Les Effronté-e-s dénoncent, elles aussi, cette discrimination qui force beaucoup de femmes à se rendre en Belgique ou en Espagne pour avoir accès à la PMA, ce qui en fait souvent un droit de riches […].
Les Effronté-e-s en profitent pour rappeler que la PMA n’a rien à voir avec la GPA (gestation pour autrui ) interdite en France pour tout le monde. En effet, les “mères porteuses” doivent endurer une grossesse et un accouchement pour le compte d’un couple tiers et n’induit pas les mêmes problématiques, en termes d’exploitation, de marchandisation des corps des femmes ou de risque d’attachement à l’enfant porté. […]
Aujourd’hui, 61% des Français-es y sont favorables selon un récent sondage, mais nous savons, à la lumière du précédent quinquennat, que les tergiversations du pouvoir dégradent cette sensibilisation de l’opinion et multiplient les prises de parole homophobes de personnalités publiques. Ne donnons pas une nouvelle occasion aux détracteurs de l’égalité à stigmatiser encore une fois les couples lesbiens via d’interminables débats !
« Avis progressiste et humaniste », a réagi SOS Homophobie qui souhaite « rencontrer le gouvernement dans les meilleurs délais pour s’assurer de l’adoption rapide de cette loi importante. Une loi sur la PMA pour toutes les femmes permettra de mettre fin aux risques sanitaires encourus par des milliers de femmes contraintes de se rendre à l’étranger ou bien de s’en remettre à des techniques dangereuses ».
La Ligue des droits de l’homme s’est contentée d’un rapide mais efficace : « De la promesse aux actes ! »
Jean-François Delfraissy : « Notre avis ne va pas plaire à tout le monde et va provoquer un grand débat. »
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