Le pari de Cécile Duflot

Divisée, la gauche pourrait perdre la 6e circonscription de Paris, au profit d’un jeune macroniste.

Nadia Sweeny  • 7 juin 2017 abonné·es
Le pari de Cécile Duflot
© photo : STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

En arrivant devant l’école du 77, boulevard de Belleville, où se déroule le meeting de soutien à Cécile Duflot ce jeudi 1er juin, on se rend compte de l’étendue des dégâts : pas moins de vingt-six panneaux électoraux attendent leur affichage. La 6e circonscription de Paris – à cheval entre le XIe et le XXe arrondissement –, réputée « la plus à gauche » de la capitale, est guettée par un grave risque de dispersion.

Dans la cour de récré, l’ambiance est détendue. La députée sortante, candidate à sa succession, attend Benoît Hamon, venu lui apporter son soutien : la candidate porte les couleurs du PS depuis l’accord présidentiel entre EELV et Solférino. Parmi la petite centaine de personnes venues assister à la réunion publique, les étudiants du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) occupent le terrain, tous drapeaux dehors. L’occasion de vérifier que la rumeur dit vrai : les jeunes se sont massivement encartés au PS avant le premier tour de la présidentielle, en vue du prochain congrès. Pour le moment, rien n’est encore acté, mais si Hamon et Duflot font campagne commune pour les législatives, ils jouent clairement le coup d’après : « Il faut reconstruire la gauche ! », lance le candidat socialiste devant les sympathisants locaux. Après avoir constaté que, pendant le quinquennat, « le cœur de cette famille politique s’est éteint », il propose de le faire battre de nouveau avec Cécile Duflot, pour qui cette visite a clairement « un sens pour l’avenir ».

Au moment où la candidate EELV prend la parole, un tweet circule : Daniel Cohn-Bendit, ancien camarade de Duflot, est aux côtés de Pierre Person, candidat local de La République en marche (LREM). « Avec Dany, c’est toujours comme ça ! C’est sa façon de nous dire qu’il nous aime ! », s’amuse une proche de la candidate écolo. Qui ne rate pas une occasion de rappeler que Pierre Person, cofondateur du mouvement des Jeunes avec Macron, est un ancien strauss-kahnien habitué des couloirs du PS : « Pour le renouvellement, faudra revenir », raille la députée sortante, tout en avouant que « pour la majorité, il n’y a pas vraiment de suspense ».

Sur ce territoire parisien, Emmanuel Macron a recueilli 34,22 % des voix au premier tour de la présidentielle, suivi par Jean-Luc Mélenchon (28,95 %). Mais c’est aussi la circonscription où Benoît Hamon fait son meilleur score national avec 14,56 %.

Tout l’enjeu du premier tour se situe donc dans la guerre des gauches. Un combat fratricide et principalement féminin, puisque trois femmes s’affrontent : Cécile Duflot, Danielle Simonnet, bras droit de Jean-Luc Mélenchon, et Nawel Oumer, candidate socialiste dissidente, conseillère de Paris, adjointe au maire du XIe. « C’est une circonscription emblématique, celle de Léon Blum, qui a toujours été socialiste, sauf quand le parti a décidé de la “donner” », explique Nawel Oumer, qui se targue d’avoir été investie par les militants, suivant le processus réglementaire du PS. Ma candidature a été validée par le bureau national : cette circonscription n’avait pas été gelée pour des accords avec des partenaires, se défend-elle. J’ai donc démarré ma campagne dès décembre. »

Mais l’accord Hamon-Jadot quelques semaines plus tard est venu tout chambouler. La candidate socialiste refuse de se retirer : « J’ai consulté les militants, ils veulent que j’y aille : je suis légitime. » Une opiniâtreté qui agace le camp Duflot : « Au PS, on nous assure que personne ne la soutient », mais les rumeurs sur Anne Hidalgo sont tenaces. La maire de Paris cachait déjà peu sa colère en 2012 lorsque le PS offrait cette circonscription en or à Cécile Duflot. Alors la candidature de Nawel Oumer, conseillère de Paris et soutien de Vincent Peillon à la primaire – à l’instar d’Hidalgo –, ne doit pas tant déplaire à la maire de Paris. La preuve, même Danièle Hoffman-Rispal, ancienne députée locale pendant dix ans, tracte avec la dissidente socialiste. « Je suis toujours membre du PS, je n’ai pas le logo sur mon affiche, mais je suis sur la ligne du parti : dans une opposition intelligente face à Emmanuel Macron », déclare-t-elle avant de prendre l’exemple de la loi Veil, pour le droit à l’avortement, proposée par une députée de droite et votée par la gauche : le même exemple que Benoît Hamon au meeting de Cécile Duflot… Difficile de faire le distinguo. Mais pour Nawel Oumer, malgré la menace LREM, incarnée par Pierre Person : « Ce sera une femme qui prendra le siège. »

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