Législatives : Quand Civitas marche dans les pas de Maurras
Le groupuscule d’extrême droite intégriste fait campagne sur des thèmes clairement maurrassiens. Des relents nauséabonds des années 1930, ouvertement assumés.
Avec leurs drapeaux français frappés du « Sacré-Cœur de Jésus » et leur intégrisme catholique défendant le soi-disant « ordre naturel », la référence au royaliste Charles Maurras (1868-1952), fondateur de l’Action française, peut paraître évidente. Pourtant, le clip de campagne de Civitas, groupuscule qui s’est fait connaître en s’attaquant à des spectacles puis comme la branche ultra des manifestations contre le mariage pour tous, avant de présenter aujourd’hui des candidats aux législatives (parfois alliés à ceux de Jean-Marie Le Pen, à la droite du FN donc), pourra désagréablement surprendre. On a en effet davantage l’habitude d’une extrême droite cherchant à se « dédiaboliser » ou du moins à dissimuler son encombrante filiation avec le fascisme, la Collaboration ou les tenants de l’Algérie française version OAS. Mais, avec Civitas, pas de chichi ! On assume…
Ainsi, au cours des 36 secondes de ce clip pour le scrutin de dimanche 11 juin, le « jeune parti catholique et patriote », comme il se présente, déclare vouloir remettre en cause « le système même de cette République maçonnique, perverse et sa corruption ». Un discours que n’aurait pas renié l’Action française, même si depuis l’affaire Dreyfus, durant laquelle Maurras l’a créée, celle-ci attaquait alors « la Gueuse », substantif péjoratif pour désigner la République, généralement qualifiée de « judéo-maçonnique ». Rappelons que Maurras, pourtant partisan d’un « nationalisme intégral », vit, lors de l’invasion de la France par l’Allemagne nazie entraînant la chute de la IIIe République et les pleins pouvoirs à Pétain, « une divine surprise » (sic). L’une de ses déclarations de collaborateur qui lui valut d’être condamné en 1945 par les tribunaux de l’épuration à la dégradation et l’indignité nationales, ainsi qu’à la réclusion criminelle à perpétuité pour intelligence avec l’ennemi.
Civitas s’incrit donc clairement dans la filiation idéologique de ce contre-révolutionnaire, favorable à une monarchie héréditaire et à un antisémitisme d’État, si violent que l’Action française fut excommuniée et mise à l’index par le pape Pie XI en 1926.
Enfin, Civitas conclut-il son clip par : « Que vive le pays réel, que vive la France ! » Il y a sans doute longtemps que l’on n’avait entendu évoquer le « pays réel », en dehors des colonnes de la presse d’extrême droite confidentielles ou des ondes de Radio Courtoisie. Qu’il soit invoqué dans la campagne officielle des législatives de juin 2017, diffusée sur le service public, est particulièrement inquiétant. Cette notion, centrale dans la pensée de Maurras, désigne en effet un peuple pur et mythifié, avec ses corporations, un peu comme le tiers-état d’avant 1789, sans grandes libertés politiques évidemment, à côté du pouvoir royal. Une conception reprise d’ailleurs avec quelques nuances sous Vichy.
C’est sans doute aussi pourquoi Civitas affirme aussi dans son clip vouloir « défendre la France des terroirs et des clochers, l’ordre naturel, la patriotisme, la préférence nationale », mais aussi « revaloriser la famille, la natalité, la ruralité, la paysannerie, l’artisanat, le petit commerce et l’industrie ».
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