Législatives : Quand les repères se brouillent…
Un pôle de gauche, social, écologique, démocratique, parviendra-t-il à émerger face au puissant pôle néolibéral en voie de constitution autour de Macron ? C’est un des enjeux du scrutin.
dans l’hebdo N° 1457 Acheter ce numéro
Qui dira la perplexité de l’électeur en arrêt devant l’alignement d’une vingtaine de panneaux électoraux ? La scène, observable dans la plupart des zones urbaines du pays, résume l’embarras des citoyens à l’heure du choix. Car les élections législatives 2017, dont le premier tour se tient dimanche, se caractérisent par une extrême dispersion. Pas moins de 7 877 candidats, pour 577 circonscriptions, briguent les suffrages de leurs concitoyens pour une soixantaine de formations ou groupements politiques dont beaucoup sont peu ou pas identifiés des électeurs. Pas facile de s’y retrouver…
D’autant que les étiquettes des partis traditionnels ne constituent plus nécessairement un repère. « C’est la première fois qu’en votant pour une même étiquette, on ne sait pas si on vote pour la majorité ou pour l’opposition », constatait récemment Henri Guaino en déplorant le positionnement pro-Macron de certains candidats Les Républicains (LR). Mais le constat vaut aussi pour les candidats du Parti socialiste et de ses satellites (PRG, UDE). La ligne d’« opposition constructive » sur laquelle la rue de Solférino avait lancé sa campagne législative au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron autorisait ses candidats à moduler leur campagne à leur gré. Si quelques-uns affichent leur hostilité aux projets du nouveau locataire de l’Élysée, ils sont nombreux à affirmer sincèrement vouloir sa réussite, et certains d’entre eux ne font pas mystère de leur volonté de rejoindre « la majorité présidentielle ».
C’est le cas de Jean-David Ciot, secrétaire fédéral du PS des Bouches-du-Rhône et député sortant de la 14e circonscription de ce département. Déçu de ne pas avoir été investi par En marche !, bien qu’il ait parrainé la candidature de M. Macron et voté pour lui dès le premier tour, cet apparatchik monté en graine sous l’aile de Jean-Noël Guérini continue « d’annoncer clairement » qu’il entrera dans sa majorité s’il est élu. Il est loin d’être le seul au PS. D’où des situations cocasses dans bon nombre de circonscriptions. Dans la 8e de Seine-et-Marne, où En marche ! présente Jean-Michel Fauvergue, l’ancien patron du Raid, le socialiste sortant, Eduardo Rihan Cypel, jeune député du cru 2012, se réclame de la majorité présidentielle sur ses affiches, d’où toute référence au PS a été gommée. Sa concurrente LR, Chantal Brunel, ex-députée UMP, se verrait bien aussi voter des lois du Premier ministre, Édouard Philippe, juppéiste comme elle et « un ami ».
Ce brouillage des repères est à son comble quand, dans la 18e circonscription de Paris, où En marche ! n’a investi personne, cinq des vingt-six candidats se réclament de la majorité présidentielle, dont Myriam El Khomri (PS) et Pierre-Yves Bournazel (LR), qui pour les municipales de 2014 avait le soutien de la Droite forte. L’un et l’autre se sont d’ailleurs engagés à se désister au second tour pour le mieux placé face à celui ou celle qui représentera la gauche, Paul Vannier (FI) ou Caroline De Haas.
Cette confusion a de quoi démobiliser des électeurs qu’un matraquage médiatique pousse déjà à confirmer le résultat de l’élection présidentielle. Deux enjeux immédiats justifient toutefois de ne surtout pas baisser les bras et de se déplacer pour élire des députés capables de constituer, face au puissant pôle néolibéral en voie de constitution autour de M. Macron, un pôle attaché au progrès social, à la transition écologique et au développement de la démocratie. Le premier est évidemment ce qui se joue autour du code du travail, que l’exécutif veut réformer par ordonnances, à la hussarde. Le second, c’est la prolongation de l’état d’urgence que le chef de l’État souhaite, depuis l’attentat de Manchester, prolonger jusqu’au 1er novembre, le temps d’adopter une énième loi antiterroriste. Et sans doute aussi contenir les mobilisations sociales que ne manqueront pas de susciter son démantèlement des protections du travail. Pour exister, cette opposition de gauche, indispensable, a besoin de parlementaires qui s’y consacrent pleinement, sans être lestés par un mandat local.