Tsipras a-t-il réussi ?

Le PIB grec a été amputé d’un quart depuis 2009.

Liêm Hoang-Ngoc  • 28 juin 2017 abonné·es
Tsipras a-t-il réussi ?
© photo : Alexandros Michailidis / SOOC

La restructuration de la dette grecque était au cœur des discussions entre les créanciers de la Grèce, réunis courant juin. Elle sera probablement actée à l’automne, après les élections allemandes… Pour obtenir cet allégement, la thérapie de choc à laquelle Alexis Tsipras a soumis la Grèce, en contrepartie de l’aide du Mécanisme européen de stabilité (MES), serait-elle en passe de réussir ? Rien n’est moins sûr.

La Grèce a certes réalisé en 2016 un excédent budgétaire primaire (avant paiement des intérêts) de 3,9 % du PIB et un excédent budgétaire de 0,7 % du PIB. Au point que le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, propose désormais de lever la procédure de déficit excessif engagée à l’encontre du pays. Ce résultat est l’arbre qui cache la forêt. La politique une nouvelle fois infligée au peuple grec, à coups de contractions budgétaires, hausses d’impôts, baisses des retraites et privatisations a continué à faire décroître l’économie de 0,1 % en 2016. Au total, le PIB grec aura été amputé d’un quart depuis 2009. Le commerce extérieur ne se sera redressé que « grâce » à la baisse des importations. La reprise des exportations est trop timide au regard de l’atonie de l’investissement. Même importants, les excédents budgétaires sont, dès lors, insuffisants pour réduire le taux d’endettement, lequel culmine à 178 % du PIB.

C’est pourquoi le FMI conditionne la poursuite de ses aides à la restructuration de cette dette, jugée insoutenable. Il la réclamait déjà en 2010, lorsque son poids dans le PIB dépassait 120 %. Une première restructuration, insuffisante, fut organisée en 2012, lors du rachat, par la BCE et le Fonds européen de stabilité financière, de titres souverains détenus par les banques. Le taux d’endettement baissa temporairement, mais repartit immédiatement à la hausse, en raison de la contraction du PIB (et des recettes fiscales induites). Au sein de la troïka, le FMI s’élevait contre la Commission et la BCE, accusées de sous-estimer la valeur du multiplicateur budgétaire (mesurant l’impact positif des dépenses publiques sur le PIB). Les politiques d’austérité appliquées ne pouvaient, dans ce cas, que provoquer des effets récessifs rendant impossible le désendettement du pays. Pour le FMI, il fallait alléger la dette pour éviter trop d’austérité budgétaire, tout en appliquant les « réformes structurelles » nécessaires à la compétitivité et à la reprise.

Cette ligne semble désormais gagner les « institutions européennes », à l’heure où la Commission elle-même prône une certaine flexibilité du Pacte de stabilité et de croissance, admettant ainsi que les textes européens sont trop rigides. Mais cela ne signifie nullement que les « institutions européennes » et le FMI lui-même soient sortis de la pensée unique. Les « réformes structurelles » du marché du travail qu’ils recommandent en chœur vont à nouveau affaiblir le salariat et la part du gâteau qu’il est en mesure d’obtenir, sans que les profits reconstitués n’alimentent l’investissement utile et la transition écologique… Un plan A de réorientation de l’euro et, à défaut, un plan B, s’impose plus que jamais, pour la Grèce comme pour les autres États membres.

Liêm Hoang Ngoc Maître de conférences à l’université Paris 1

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