Un mot pour tous

Les Ogres de Barback et Les Hurlements d’Léo rejouent Un air, deux familles, dans l’allégresse.

Ingrid Merckx  • 28 juin 2017 abonné·es
Un mot pour tous
© photo : Marion Guérard

En quinze ans et des poussières, la famille s’est agrandie. Les Ogres ont fait des ogrillons, les Hurlements peut-être aussi. Pas mal de route et autant de disques. Et puis l’envie les a saisis de se retrouver sous Latcho Drom, comme en 2002. Cela ne rajeunit pas ceux qui ont découvert ce chapiteau mutualisé un soir d’hiver très froid où l’énergie punk et guinguette cuivrée des Hurlements d’Leo venaient encanailler les Ogres timides, qui murmuraient des chansons tristes aux contrechants de cabaret volontiers tzigane avec les yeux mouillants. Les voix ont pris de la bouteille et de la profondeur : « Tes souvenirs/Sont comme les miens… » (« Mytho »). Dans le public aussi : Un air deux familles, la suite, a été enregistré live cet hiver lors d’une tournée qui reprend en juillet. Le côté revival est assumé jusqu’à l’ivresse : reprendre le « laïlaïlaï » de « Grand-mère », avec ses anarchistes et ses trapézistes, seul ou en concert, c’est plus qu’une madeleine, comme une potion magique. « On ne revient pas quinze ans après pour qu’ce soit mou du g’nou ! »

Ils sont douze sur scène, une contrebasse, un violoncelle, un ou deux violons, un ou deux accordéons, plusieurs guitares, des cuivres, une flûte, une batterie pour chapoter tout ça, et ça tchatche. « Est-ce qu’il y a des enfants de la Mano Negra ? », jette Fredo au micro pour lancer les premières mesures de « La Ventura » : « Entre chiens et loups/Quand tombe la nuit ». Deux familles exponentielles puisqu’ils sont rejoints par la Rue Ketanou (« Les Cigales », « Les Mots »), Florent Vintrigner (« Pages de ma vie »), Debout sur le zinc (« Poil aux yeux »), et les voix dans le public qui ne les lâchent pas d’une semelle, les devancent même, en jeune classe insolente qui anticipe les histoires que ses aînés (ou pas ?) ne se lassent pas de raconter. « On achète des mots d’occasion/Des mots à la page et pas chers/Et puis des mots de collection./Un mot pour tous, tous pour un mot/Un mot pour tous, tous pour un mot. »

Un nouveau titre, « Une idée passe », a surgi avant les élections. « Que va-t-on faire ensemble ? » Arrière-goût amer depuis ? « On se fond dans la masse/ On lutte pour sa classe… » La joie monte sur « Jojo » : « Moi j’suis qu’un mauvais présage/Un oiseau de passage… » Et la mélancolie explose sur « Pas du gâteau », spéciale dédicace au grand frère Mano Solo, mort en 2010 et auquel ils ont consacré un disque magnifique en 2015. « La vie, c’est pas du gâteau ! », hurlent-ils, conjurant le sort par tous leurs pores.

Un air, deux familles, Les Ogres de Barback et les Hurlements d’Léo, Irfan (le label). Prochains concerts : lesogres.com et hurlements.com

Musique
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