Derrière les braises de barbecue, les forêts qui brûlent

La majorité des 140 000 tonnes de charbon de bois brûlées chaque année en France provient d’un pillage des pays du Sud.

Claude-Marie Vadrot  • 13 juillet 2017 abonné·es
Derrière les braises de barbecue, les forêts qui brûlent
Photo : À Haïti, une femme vend du charbon de bois dans la rue.
© HECTOR RETAMAL / AFP

A priori, il n’existe pas de rapport évident entre la pratique intensive du barbecue d’été et la disparition d’un certain nombre de forêts dans les pays du Sud. Il suffit pourtant de jeter un œil sur les énormes sacs de charbon de bois actuellement en promotion dans les grandes surfaces, alimentaires ou vouées au bricolage, pour se rendre compte que dans la plupart des cas, l’origine géographique du matériau de base de cette activité champêtre n’est pas mentionnée. Pourtant, en France, la majeure partie des 140 000 tonnes de combustible à cramer côtelettes et saucisses dans les jardins provient d’Afrique. Même quand, par extraordinaire, il est signalé comme venant de Belgique, des Pays-Bas ou de Pologne, pays où le charbon de bois débarqué par containers est souvent « naturalisé » après mise en sacs. Il en arrive aussi en France et l’impression d’un drapeau tricolore suffit alors pour tromper le consommateur. Si tant est que celui-ci se pose des questions.

Origine inconnue…

Le charbon de bois utilisé en France provient essentiellement du Nigeria, d’Éthiopie, des deux Congo et aussi de la Somalie où nulle autorité n’est en mesure d’exercer un contrôle. D’autant plus que, dans ce dernier pays, les différentes factions politiques qui s’affrontent violemment depuis les années 1990 sont elles-mêmes organisatrices de la collecte puis de l’exfiltration des trafics vers les pays limitrophes. Des trafics qui ne concernent pas que la France et ne sont pas seulement originaires d’Afrique. Un rapport publié récemment par Earthsight, une association anglaise environnementale, explique que tous les sacs de charbon de bois en vente dans les stations-services américaines et anglaises sont produits dans la forêt paraguayenne de Chaco, l’un des plus vastes massifs forestiers après l’Amazonie. Conséquence, il a perdu 200 000 hectares au cours des dix dernières années. Diminution préjudiciable aux peuples indigènes qui y vivent, à la faune, à l’agriculture et aux conditions climatiques.

Déforestation

La déforestation des pays exportant massivement du charbon de bois vers les pays du Nord est la première conséquence de cette activité qui mobilise des centaines de milliers de personnes pour des profits qui ne changent pas leurs conditions de vie. Les femmes – souvent elles – et les agriculteurs s’épuisent et épuisent leurs forêts pour transporter puis vendre, à quelques centimes le kilo en bord de route ou sur les marchés, un produit revendu en France entre 2 et 10 euros le kilo. Femmes, enfants et vieillards sont partout le long des routes rurales africaines, attendant les ramasseurs. Le profit maximum étant réalisé ensuite par les stations-services et les grandes surfaces ou directement sur Internet. Dans 90 % des cas sans la moindre mention d’origine.

La situation des forêts est d’autant plus tragique pour de nombreux pays du Sud que, faute d’énergie disponible, la population doit aussi recourir massivement au bois ou au charbon de bois pour la consommation familiale. Au point, comme par exemple à Haïti, de réduire les arbres de l’île à quelques dizaines d’hectares. Au point aussi que, le long des routes, le charbon de bois, tiré des vieilles souches arrachées aux bulldozers, est souvent la seule ressource pour la cuisine. Même situation autour des camps de réfugiés africains où les aliments distribués par le Haut Commissariat aux personnes déplacées doivent être préparés avec des combustibles glanés à l’extérieur ; dans des zones déjà en voie de désertification comme au Tchad.

Écologie
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