Édouard Philippe promet une politique « à droite toute »
Rigueur budgétaire, ultralibéralisme et mesures sociales maigrelettes seront au programme du prochain quinquennat. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre lors de son discours de politique générale.
Parler très vite pour éviter d’être trop bien entendu ? C’est à vitesse grand V que le Premier ministre Édouard Philippe a débité son discours de politique générale. Pendant une heure, il est revenu sur le cap et la méthode de la politique qui sera mise en œuvre durant le quinquennat. Sans surprise, la vulgate macronienne du « et droite et gauche » est tombée aux oubliettes : les mesures préconisées visent avant tout à réduire les dépenses publiques et à favoriser les entreprises et les plus riches.
Édouard Philippe l’a rappelé : « la France doit avancer. » Qu’importe si le « progrès » doit se faire à marche forcée. L’ouverture plutôt réussie de son discours – une ode à la diversité sociale et générationnelle des parlementaires – a rapidement laissé la place à l’annonce d’un chapelet de mesures disparates et floues, censées illustrer le retour de la « confiance » : renforcement de l’indépendance des magistrats, construction de nouvelles places de prison, « rénovation » de la Sécurité sociale, généralisation des huit vaccins « recommandés » qui deviendront obligatoires dès 2018, une mesure controversée (lire ici et là), « plan de lutte contre les déserts médicaux », mais aussi revalorisation du minimum vieillesse (de combien ?), fin du millefeuille territorial (avec seulement deux échelons territoriaux sous celui de la région), développement de l’accès au très haut débit partout en France d’ici 2022 car « il y a des citoyens qui ont des téléphones qui servent à téléphoner et puis c’est tout »… Seule mesure précise : l’augmentation à 10 euros du prix du paquet de cigarettes.
Côté culture, le Premier ministre a assuré qu’« élever l’âme de nos enfants » sera le chantier commun et prioritaire des ministères de l’Éducation et de la Culture. La France doit « redevenir une nation de lecteurs », a-t-il dit.
« Disette »
Voilà pour la partie « positive »… Le Premier ministre a enchaîné avec un deuxième chapitre, bien plus sombre celui-ci, sur les mesures de « courage » qui seraient demandées « aux Français ». Commençant par le terrorisme qui, a-t-il prophétisé, ferait d’autres « victimes innocentes », il a affirmé que la France sortirait de l’état d’urgence le 1er novembre prochain, mais que le gouvernement établirait « une police de sécurité au quotidien ». Enchaînant sans transition sur la question migratoire, Philippe a rappelé les exigences de « dignité », mais aussi d’« efficacité » sur les mesures d’éloignement : « Accueillir oui, subir non ».
La partie économique et (un peu) sociale, a ensuite été dévoilée, là encore au pas de charge, et parfois sous les protestations des députés de la France insoumise, qui, assis sur leur banc, ont posé un code du travail devant eux.
La découverte prétendument inattendue d’une dette de 8 milliards d’euros a conduit le Premier ministre à annoncer une politique de rigueur, inspiré de la politique économique allemande, vantée par Philippe : « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort », a-t-il dit, tançant « l’addiction française à la dépense publique ». Remède préconisé, donc : tenir les engagements d’un déficit à 3 %. « On ne dépensera pas plus en 2018 qu’en disette [qu’en 2017, NDLR] », a-t-il ajouté dans un lapsus qui restera dans les annales.
Annonces incantatoires
Philippe a eu beau promettre que « les contribuables ne seront pas la variable d’ajustement du budget, au contraire », il a annoncé tout l’inverse : reportant à la fin du quinquennat la suppression de la taxe d’habitation, principale mesure sociale promise pendant la campagne, il a en revanche maintenu à 2018 l’échéance de l’augmentation de la CSG, qui appauvrira les retraités aux pensions supérieures à 1 200 euros, ainsi que la refonte du code du travail par ordonnances à la fin de l’été. Régime sec également pour les fonctionnaires : Philippe entend « stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public », qui représente selon lui un quart des dépenses publiques.
Certains seront moins mal lotis : le gouvernement veut ainsi « baisser le coût des charges qui pèsent sur le travail », en maintenant le CICE et en réduisant progressivement l’impôt sur les sociétés pour le porter à 25 % en 2002. Dernier coup de pouce aux plus riches : l’ISF sera « resserré » autour du seul patrimoine immobilier, et donc, supprimé pour les détenteurs de patrimoine financier, dès 2019.
Au moment même où, au Parlement européen, la France cédait à l’Allemagne sur les perturbateurs endocriniens (lire ici), Édouard Philippe s’est livré à quelques annonces incantatoires sur la transition écologique : parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, recyclage à 100 % des plastiques d’ici 2025, ou « accélération de la montée en puissance » de la fiscalité carbone. Voilà qui laisse le temps au temps… « La France a choisi l’optimisme et la confiance », a-t-il conclu. Sous la standing ovation des députés de la majorité.
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