Fin d’une illusion…
Il n’aura pas fallu trois mois pour que l’illusion se dissipe. Et voilà : Emmanuel Macron est banalement de droite. La belle découverte !
dans l’hebdo N° 1464-1466 Acheter ce numéro
À force de répéter à longueur de colonnes que tout est nouveau dans notre paysage politique, les commentateurs avaient fini par le croire. Ils en avaient perdu de vue l’essentiel. C’est-à-dire, précisément, ce qui n’a pas changé. Car, Macron ou pas Macron, la politique est toujours affaire de répartition des richesses et de conflictualité sociale. On ne peut pas raconter longtemps des histoires aux gens que l’on appauvrit. Une habile communication avait fait tourner la tête de beaucoup d’habitués des plateaux de télévision. Le magicien de l’Élysée avait réussi, nous disait-on, à dépasser le clivage gauche-droite. Il devait beaucoup, il est vrai, au ralliement ventre à terre des « réputés » de gauche, issus de l’ancienne majorité.
Mais, il n’aura pas fallu trois mois pour que l’illusion se dissipe. Et voilà : Emmanuel Macron est banalement de droite. La belle découverte ! L’affaire de la diminution des aides au logement a dégrisé les esprits. Notre président « ni de droite ni de gauche » est allé prendre dans la poche de nos concitoyens qui vivent sous le seuil de pauvreté, tandis qu’il exonère de l’impôt sur la fortune les actionnaires et les rentiers de la finance. Aucun de ses prédécesseurs ne s’était à ce point caricaturé. D’autant que, quelques jours auparavant, il avait annoncé le gel du point d’indice des fonctionnaires et la hausse de la CSG. Résultat : une chute dans les sondages plus rapide que pour son prédécesseur dans le même laps de temps. Cette « hollandisation » précoce est un mauvais présage. D’autant qu’il a devant lui la réforme du code du travail, grande affaire de la rentrée.
À nos lecteurs
Comme chaque année, notre équipe va prendre quelque repos. Pour ce numéro d’été, nous vous proposons un dossier en forme de digression sur le thème « en marche ». Où l’on redécouvrira que la marche peut être un sport de combat, démocratique et social. Je vous invite aussi à lire en page 17 notre manifeste : « Ce que nous sommes ». Vous y trouverez quelques principes que nous défendons bec et ongles contre toutes sortes d’adversités. C’est l’occasion de remercier nos abonnés pour leur fidélité, et tous ceux qui nous ont rejoints. Ils n’avaient pas été aussi nombreux depuis dix ans. Ce qui n’empêche pas notre journal de rester fragile. Alors, n’oubliez pas notre rendez-vous : reparution le 31 août. Bonnes vacances !Mais la discipline qui cimente le groupe de La République en marche est d’une autre nature. Il y avait bien sûr quelque chose de militaire au temps du général. Et loin de moi l’envie d’en faire l’éloge aujourd’hui. Mais nous avons affaire ici à un projet très nouveau dans la politique française : une mainmise du privé sur la chose publique. C’est un peu la directive « secret des affaires » étendue à la politique. Le groupe dévoué à Emmanuel Macron fonctionnera comme un conseil d’administration. Si bien que le système Macron, l’air de rien, finirait par ressembler à une sorte d’idéal libéral dont rêvaient les idéologues du Mont-Pèlerin [1]. Puisqu’il s’agit de mener une politique au profit des grandes entreprises et de la finance, pourquoi ne pas emprunter les mœurs et l’opacité des milieux d’affaires ?
Cette faible culture démocratique fait évidemment problème. La politique n’est pas faite pour être privatisée. Faut-il alors se résigner à compter les coups qui vont être portés aux salariés ? Non, bien sûr.
Car il y a fort à parier que rien ne se passera comme les conseillers d’Emmanuel Macron le voudraient. Si les lieux institutionnels sont verrouillés, les espaces délibératifs vont nécessairement se déplacer. On verra sans doute de plus en plus fréquemment les députés France insoumise, communistes et peut-être même de la Nouvelle Gauche, porte-voix en mains, au cœur des manifestations. La jonction avec le mouvement social sera impérative pour tout élu de gauche qui veut exister. On peut aussi imaginer que les élus de La République en marche finiront par oublier leurs vœux d’abstinence démocratique. Ce sera évidemment affaire de climat politique dans le pays. Ce qui est sûr, c’est que les enjeux de l’automne 2017 seront considérables. Non seulement en raison de la gravité de l’offensive contre le code du travail, mais aussi parce qu’il s’agira de défendre une certaine idée de la démocratie.
[1] Société fondée en 1947, notamment par l’économiste Friedrich Hayek, inspiratrice de toutes les politiques ultralibérales.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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