Fiscalité : l’injustice en marche
Les 10 % les plus riches bénéficieront de 46 % des mesures fiscales.
dans l’hebdo N° 1463 Acheter ce numéro
La politique fiscale d’Emmanuel Macron poursuit trois objectifs : aller vite, frapper fort, favoriser les riches et les détenteurs du capital. Des baisses d’impôts de 11 milliards d’euros sont annoncées dans le projet de loi de finances de l’État pour 2018. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les ménages les plus riches – ceux appartenant au décile (10 %) supérieur – seront les grands gagnants [1]. Ils concentreront 46 % des mesures fiscales destinées aux ménages, ce qui entraînera une hausse de 2,6 % de leur revenu en 2018. Le Président leur offre ainsi plusieurs cadeaux. D’abord, leurs revenus financiers bénéficieront d’un impôt forfaitaire de 30 %, dit « flat tax », leur permettant d’échapper à la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Autre cadeau : tous les placements financiers (actions, obligations et assurances vie) seront exonérés de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui devient un impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les ménages les plus riches échapperont à cet IFI par des placements sous forme de parts de sociétés immobilières, considérées comme des actifs financiers.
Pour faire croire à un soutien du pouvoir d’achat de l’ensemble des contribuables, l’exécutif annonce la suppression des cotisations sociales, une mesure financée par une hausse de la CSG de 1,7 %. Ce dispositif est particulièrement inique pour les retraités, qui subiront la hausse de la CSG sans bénéficier de la baisse des cotisations sociales.
Afin de donner une coloration sociale à sa politique fiscale, Emmanuel Macron affiche une exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables les moins aisés. Cette taxe est perçue à juste titre comme injuste, car elle est calculée sur la « valeur locative cadastrale », datant de 1970. Mais cette mesure est un leurre pour deux raisons. D’une part, quatre millions de personnes dont le revenu fiscal est inférieur à 10 708 euros en sont déjà exonérées ; d’autre part, cette réforme conduira à une perte de 10 milliards d’euros pour les communes, qui ne sera pas intégralement compensée par l’État. Résultat : les villes baisseront leurs dépenses, en particulier celles consacrées aux populations les plus défavorisées. De son côté, l’État annonce des coupes budgétaires sévères, à hauteur de 8 milliards d’euros en 2018 et de 60 milliards sur le quinquennat, à commencer par les dépenses sociales. Ce qui pénalisera encore les moins riches et accentuera les inégalités creusées par ces cadeaux fiscaux.
Les pays du Sud sont également touchés. Au soir de son élection, Macron promettait « une France attentive au respect des engagements pris en matière de développement et de lutte contre le réchauffement climatique ». Or, son gouvernement vient de décider une baisse de l’aide publique au développement (APD), alors que celle-ci devait augmenter en 2018 grâce à l’extension de la taxe sur les transactions financières (TTF) au dangereux marché du trading à haute fréquence. Cette extension aurait permis d’en doubler les recettes et d’accroître l’APD. Par ses choix, Macron renonce à la lutte contre la spéculation et à l’aide promise aux pays du Sud dans leur lutte contre le réchauffement climatique.
[1] « Évaluation du programme présidentiel pour le quinquennat 2017-2022 », Policy Brief, 12 juillet 2017.
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