Plan migrants et dissuasion migratoire : Gérard Collomb ignore l’urgence

Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, revient sur le « plan migrants » annoncé par le gouvernement d’Édouard Philippe, mercredi 12 juin.

Hugo Boursier  • 13 juillet 2017 abonné·es
Plan migrants et dissuasion migratoire : Gérard Collomb ignore l’urgence
© photo : Thomas Samson / AFP

Gérard Collomb l’assure sur Twitter, « les échanges et la coordination avec les acteurs sont essentiels », « [s]on action est guidée par la réalité »… Cela n’est pourtant pas l’avis des associations de défense des migrants. « La rencontre avec le ministre de l’Intérieur le 7 juillet était inutile, recadre ainsi Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, son attitude se résumait à une prise de contact certes polie, mais sans aucun impact sur ce qu’il comptait proposer. » Soit un « plan migrants », présenté à l’issue du Conseil des ministres mercredi 12 juillet avec comme idée force la « dissuasion migratoire ».

Édouard Philippe souhaite notamment accélérer les processus de demande d’asile en créant des postes supplémentaires pour réduire le temps d’examen des demandes d’asile. Il entend développer une diplomatie plus volontariste au sein de la communauté internationale, notamment en Libye, pour lutter contre « les filières ». « Agir sur les flux avant que les migrants n’arrivent sur le continent européen est impératif », annonce le document publié par le ministère. Un projet de loi détaillant ces mesures devrait être soumis au Parlement en septembre 2017.

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Quelle est la mesure phare de ce plan ?

Jean-Claude Mas : Le plus alarmant, c’est l’absence de mesures répondant à la situation des migrants dans le Calaisis, le Dunkerquois, en Île-de-France et à la frontière italienne. Avec plusieurs associations, nous avions pourtant envoyé un courrier à Emmanuel Macron pour organiser une rencontre rapide à l’Élysée, et parler ensemble des points chauds. Nous n’avons obtenu aucune réponse. Ce plan vient confirmer nos craintes : il ne répond pas du tout aux réalités dramatiques du terrain. Il fixe des objectifs pour 2018, 2019, et s’inscrit dans la volonté de prévenir l’arrivée de migrants, notamment par le durcissement de la procédure Dublin, qui déresponsabilise la France, pays des droits de l’homme.

Il n’y a pas de changement de politique d’immigration de la part de ce gouvernement, qui se targuait pourtant d’incarner le renouveau. Ce plan s’inscrit dans la droite ligne de celui de François Hollande. Or, aucun n’intègre les recommandations des défenseurs des migrants. C’est une politique au coup par coup, qui subit les événements en proposant des dispositifs sous-calibrés.

Que penser de la volonté d’accélérer tout le processus, que ce soit la demande d’asile ou le renvoi immédiat dans les pays limitrophes des conflits ?

Ce plan reste dans une logique d’opposition entre les réfugiés demandeurs d’asile, et les « migrants économiques », pour reprendre l’expression consacrée par les pouvoirs publics. Comme si ces derniers ne méritaient aucune aide. Or, les migrations ont évolué depuis quelques années. Les parcours entre les migrants ne sont plus aussi distincts qu’avant : ils mêlent les problématiques de persécution, de conflits ethniques ou religieux, et d’économie. Repenser la notion de « réfugié » permettrait aux autorités publiques de repenser aussi celle de la solidarité.

Cette simplification vient justifier des politiques de fermeté, comme celle qu’on retrouve dans le dernier plan migrants. Il n’est pas souhaitable de renvoyer les déboutés du droit d’asile dans des pays en guerre. C’est pourtant ce qui se passe : l’État passe en force, en contournant les décisions de justice. Il y a quelques semaines, la préfecture du Pas-de-Calais a engagé l’expulsion d’un migrant en Afghanistan, alors que le tribunal administratif s’y opposait. Aujourd’hui, l’État français considère que Kaboul est une ville sûre. Cette volonté de rendre invisible les migrants se retrouve dans cette idée de « dissuasion », qui va jusqu’à entraver les personnes dans l’accès à leurs besoins élémentaires, par l’intimidation des associations et des personnes qui cherchent, simplement, à survivre.

Une des mesures propose la création de places supplémentaires pour héberger les exilés. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Un effort est fait dans les centres d’accueil : le gouvernement crée 5 000 places pour les statutaires (qui auront obtenu le statut de réfugiés), et 7 500 autres seront ouvertes pour les Cada, les centres où logent les demandeurs d’asile pendant le traitement administratif de leurs demandes. Ce n’est pas suffisant : plusieurs centaines de personnes en attente de l’avis définitif de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) devront rester dans la rue, parfois à même le trottoir comme au nord de Paris, où 550 personnes sont revenues après la dernière évacuation le 7 juillet. Le renforcement des cours de français est plutôt une bonne chose. C’est d’ailleurs une initiative interministérielle. Ce dispositif devrait être élargi à la problématique de l’accueil en général, pas seulement aux questions d’apprentissage de la langue. Laisser ce sujet au seul ministère de l’Intérieur, qui gère la sécurité et l’ordre public, est aussi révélateur de leur politique migratoire à venir.

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