PS : une décomposition inachevée
Pris en tenaille entre La République en marche et la France insoumise, le PS n’en finit pas de se déliter. Sa reconstruction, sous quelque forme que ce soit, paraît bien hypothétique.
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Y croire encore. Un peu. Espérer. Henri Weber, longtemps chargé de la formation au sein du parti au poing et à la rose, et éternel optimiste, résume ainsi dans une tribune publiée par Marianne (25 juin) le sentiment de la plupart des responsables de son parti : « Le Parti socialiste n’est pas mort, mais son pronostic vital est engagé. » Certes, comme on le rappelle rue de Solferino, le PS est encore à la tête de nombreuses collectivités locales ; il conserve un important réseau d’élus. Mais aux municipales de 2014, marquées par la perte de quelque 160 villes de plus de 9 000 habitants, il n’en a pas moins perdu près de la moitié, soit 30 000 environ. Avec pour conséquence immédiate la non-réélection de 17 sénateurs et la fin de sa majorité au Sénat.
Depuis, tous les signaux d’alarme se sont mis à clignoter. Aux départementales et aux régionales, en 2015, avec encore la perte de vingt-six départements, d’une dizaine de régions, de quelque centaines d’élus et un peu plus de collaborateurs. À la présidentielle (6,36 %) et aux législatives (7,44 %), où le PS qui avait 291 élus en 2012 n’en conserve que… 30. Une déculottée électorale qui se double cette fois d’une catastrophe financière puisque le PS sera privé, pour les cinq prochaines années, de 46 % des recettes de son budget : la dotation publique annuelle est ramenée de 25 à 7 millions d’euros et les cotisations d’élus chutent de 7,5 millions. Sans parler des 97 candidats socialistes qui vont devoir régler leurs frais de campagne faute d’avoir obtenu les 5 % nécessaires qui ouvrent droit à leur remboursement par l’État. D’ici à la fin de l’année, un plan social paraît inévitable parmi les 110 permanents de Solferino. Des sièges départementaux, comme celui de la fédération du Nord, sont déjà promis à la vente. Pas de quoi regonfler le moral des troupes qui n’ont pas encore déserté. De 180 000 cartes revendiquées en 2011, le nombre d’adhérents serait tombé à 80 000 selon la direction, moitié moins selon d’autres sources.
Un parti d’élus – en 2011, 32 % des adhérents du PS étaient des élus, 8 % des collaborateurs d’élus [1] – peut-il se relever d’une telle hémorragie ? Comme après chaque défaite importante, les socialistes multiplient les initiatives pour « reconstruire », « refonder », « réinventer » – le champ lexical de la restauration est vaste – leur parti. Dès le 11 mai, sans attendre les législatives donc, Anne Hidalgo, Martine Aubry et Christiane Taubira avaient lancé « Dès demain ». L’appel à la constitution de ce « grand mouvement d’innovation pour une démocratie européenne, écologique et sociale » a été signé par 160 personnes, dont l’ex-ministre Marylise Lebranchu et le député Luc Carvounas. Mais ils n’étaient qu’une centaine le 1er juin, selon Le Canard enchaîné, et tous parisiens, à la réunion de lancement de ce club dont le rôle, selon ses promotrices, « sera d’identifier les solutions et les réussites locales, et de travailler à leur mise en œuvre à toutes les échelles de territoires : locale, nationale et européenne ».
Le 21 mai, les anciens ministres Najat Vallaud-Belkacem et Matthias Fekl, ainsi qu’Olivier Faure, le président du groupe des députés PS, et quelques maires de grandes villes (Rennes, Nantes, Clermont-Ferrand…) appelaient dans un texte publié par Libération à « se mobiliser pour réinventer la gauche demain ». Pour les signataires, il s’agit de « défendre désormais une social-écologie réformiste qui transforme la société en profondeur et réponde aux nouveaux défis du XXIe siècle ». Soumis à signatures sur change.org, cet appel n’avait recueilli que 2 006 soutiens, le 3 juillet.
Le 23 juin, à la veille du premier conseil national post-défaite, c’était au tour des anciens partisans d’Arnaud Montebourg de lancer un site Internet intitulé « Inventons la gauche nouvelle ». Leur but, affiché dans un texte signé par 700 personnes, dont François Kalfon, porte-parole de l’ancien ministre du Redressement productif lors de la primaire, et l’ex-député Yann Galut : faire peser les idées de celui qui était leur candidat dans la reconstruction du PS, tourner « résolument le dos à ce qui a conduit [la gauche] dans l’ornière : la dérive libérale, la démagogie, l’outrance, les guerres picrocholines entre ego ou bien son incapacité à proposer une nouvelle vision du monde ».
Tous ces appels, embryons possibles de futurs courants, où se côtoient encore parfois des élus « Macron-compatibles » avec des opposants au macronisme, ont en commun la conviction que le PS pourra rebondir s’il se dote d’un projet adapté à son époque, s’il renouvelle ses dirigeants, change éventuellement de nom… Bref, qu’un retour de balancier pourrait ramener les socialistes au pouvoir, comme ce fut le cas en 1997 avec Lionel Jospin, quatre ans après la défaite sévère des législatives de 1993 qui n’avaient envoyé que 57 députés PS à l’Assemblée. Pour Benoît Hamon, qui a annoncé le 1er juillet, lors du lancement de son mouvement, qu’il quittait le PS, cette analyse est erronée : « Nous n’avons pas été battus par la droite, a-t-il lancé sur la pelouse de Reuilly devant quelques milliers de ses supporteurs, nous avons été remplacés. Pas totalement mais pour partie remplacés par La République en marche et la France insoumise. »
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S’il trouve un mérite à Emmanuel Macron, c’est d’avoir opéré une clarification au sein du PS en dissipant « l’illusion » qu’entre son « aile sociale-libérale et celle plus solidaire et redistributive, il y avait encore un projet commun ». Pour autant, l’ancien candidat socialiste à la présidentielle ne semble pas convaincu que cette clarification qui se traduit par une décomposition du PS soit achevée. Le récent départ de quelques sénateurs pour former un groupe LREM au Sénat le montre. Et des reclassements semblables sont prévisibles dans maints conseils municipaux et assemblées territoriales. Surtout, son choix de « refaire la gauche » plutôt que de reconstruire le PS participe de cette décomposition. Pour nombre de militants et d’observateurs, il l’amplifie et signe la mort du parti d’Épinay.
Envisager son remplacement par une « maison commune », comme l’envisage à terme Benoît Hamon, demandera du temps. Quand la gauche, « au plus bas, s’est reconstruite dans les années 1970, mai 1968 était proche, le capital militant considérable et les classes sociales constituaient une puissante base socio-politique », note le politologue Rémi Lefebvre, spécialiste du PS, où il milite. Des conditions qui aujourd’hui font défaut.
[1] « Sociologie des adhérents socialistes », Henri Rey et Claude Dargent, in Cahier du Cevipof n° 59.