Vaccination obligatoire : Quelle indépendance des experts ?
Sur fond de scandales sanitaires et de conflits d’intérêts, la guerre fait rage entre pro et anti-vaccins.
dans l’hebdo N° 1462 Acheter ce numéro
Les uns seraient les membres d’une secte, les autres corrompus par l’industrie. La réalité est plus complexe, la majorité des soignants défendant des positions de bonne foi soutenues par les enseignements de l’histoire – l’éradication de maladies graves – ou l’expérience clinique : des patients atteints de cirrhoses dues à l’hépatite B, d’autres avec une sclérose en plaques (SEP) et vaccinés contre l’hépatite B… 40 % de la population continue d’exprimer des doutes sur ce vaccin, quand huit études sérieuses concluent à l’absence de lien avec la SEP. Le 21 juin, la Cour européenne de justice a pourtant reconnu un « faisceau d’indices suffisants » pour ouvrir un droit à l’indemnisation des victimes. Mépris des données scientifiques ?
« Redonner confiance en la vaccination » était la mission confiée par Marisol Touraine au professeur Alain Fischer pour présider la Concertation citoyenne sur la vaccination en 2016. Mais la défiance ne vise-t-elle pas plus encore les autorités de santé que les vaccins eux-mêmes ? La faute à des scandales sanitaires longtemps négligés ainsi qu’à des campagnes de vaccination mal comprises.
Si les « lobbys anti-vaccinaux » n’ont pas la puissance financière de l’industrie pharmaceutique, ils auraient une force de persuasion énorme, notamment via les réseaux sociaux. Il est pourtant difficile de les identifier, hormis des « chevaux de Troie » tels que le Pr Henri Joyeux ou la Ligue nationale pour la liberté de vaccination. Mais quid des associations de malades, comme AM2E ou E3M ? Elles ne comptaient pas parmi les auditionnés de la Concertation citoyenne sur la vaccination.
Le 22 mars, le Comité technique des vaccinations est devenu la Commission technique des vaccinations (CTV). Et a changé de tutelle : du Haut Comité de santé publique – dont il se dit à la fois qu’il souffrait de collusions public-privé et qu’il préparait un avis contre l’obligation vaccinale – à la Haute Autorité de santé (HAS). Laquelle était présidée par Agnès Buzyn, actuelle ministre de la Santé.
La question centrale dans ce dossier reste l’indépendance des experts. « Hormis l’Inserm et le CNRS, l’industrie pharmaceutique a le pouvoir de la recherche, on ne peut pas y échapper, commente Véronique Dufour, pédiatre en PMI à Paris, ex-membre du CTV et experte d’Infovac, site d’information sur les vaccins. On est obligés de travailler avec elle. Mais, pour constituer la CTV, la HAS a tenu à prévenir les conflits d’intérêts. » Selon elle, rendre obligatoires onze vaccins pour les moins de 2 ans était, à l’issue de la concertation citoyenne, une décision qui faisait largement consensus.