L’attentat oublié de Ouagadougou

Le 14 août, une fusillade au Burkina Faso a fait 19 victimes. Un drame peu médiatisé.

Denis Sieffert  • 30 août 2017 abonnés
L’attentat oublié de Ouagadougou
© photo : AHMED OUOBA / AFP

C’est une loi inexorable de la presse. La mort, quand elle est donnée en Afrique, ne fait pas la une de nos médias. Douze jours avant l’attentat de Barcelone, le terrorisme a pourtant frappé durement Ouagadougou. Vers 20 h 30, dix-neuf personnes sont tombées sous les balles d’un groupe d’assaillants alors qu’elles étaient attablées pour le dîner dans un café-restaurant réputé de la capitale burkinabée. Vingt-deux autres ont été blessées. Les témoins ont décrit un véritable carnage.

Le mode opératoire était le même que l’attaque perpétrée en janvier 2016 contre un restaurant situé à 300 mètres de là. Le commando, arrivé à motos et armé de Kalachnikov, a « arrosé » la terrasse et la salle de l’établissement, avant d’entrer dans le bâtiment et de prendre en otages certains consommateurs. L’assaut, donné à 21 heures par les forces de sécurité, a duré près de sept heures et permis, selon les autorités, de libérer 40 personnes. En janvier 2016, l’attentat avait été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Longtemps, les groupes jihadistes avaient concentré leurs coups contre le Niger et le Mali voisins, épargnant le Burkina Faso. Très pauvre, ce pays de l’Afrique subsaharienne est classé 183e à l’indice de développement humain. En octobre et novembre 2014, un soulèvement populaire avait chassé du pouvoir Blaise Compaoré, qui convoitait un quatrième mandat, en infraction avec la Constitution. En décembre 2015, un ancien ministre de Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré, était élu président avec 53,49 % des suffrages. Mais la longue vacance du pouvoir a pu, selon certains observateurs, favoriser l’émergence de groupes terroristes.

Un fait, toutefois, intrigue les enquêteurs. À la différence du précédent attentat, l’attaque du 14 août n’a pas été revendiquée. Pour Abdoul Karim Saidou, enseignant–chercheur à l’université Ouaga 2, cité par RFI, cette non-revendication pourrait être le signe d’une « divergence » entre les membres du groupe commanditaire : « L’attentat a coûté la vie à deux imams, prédicateurs musulmans, et le restaurant fonctionnait selon les principes de la religion musulmane. » « Ce n’est pas une cible ordinaire », conclut le chercheur.

Monde
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