Adrien Quatennens : « Macron mène l’assaut contre l’ordre social »

Pour le député insoumis Adrien Quatennens la manifestation du 23 septembre doit rassembler le plus largement possible pour obtenir le retrait des ordonnances.

Pauline Graulle  • 20 septembre 2017 abonné·es
Adrien Quatennens : « Macron mène l’assaut contre l’ordre social »
© photo : Michel Soudais

C’ est une figure montante de la jeune garde de la France insoumise. Adrien Quatennens, élu à 27 ans à peine dans la 1re circonscription du Nord, a l’éloquence et la précision des anciens de la politique. Depuis sa plaidoirie remarquée contre les ordonnances à l’Assemblée nationale, il est devenu l’un des porte-parole de l’opposition à la loi travail d’Emmanuel Macron. Pour lui, une majorité de citoyens doivent descendre dans la rue le 23 septembre pour montrer qu’ils n’adhèrent pas à la politique du Président.

Vous utilisez le terme de « coup d’État social » pour qualifier la politique d’Emmanuel Macron. Qu’est-ce que cela signifie au juste ?

Adrien Quatennens : L’expression a beaucoup fait parler, notamment dans les rangs des députés de La République en marche, qui nous reprochent d’utiliser un champ lexical évoquant la dictature. Nous, ce que nous disons, c’est qu’Emmanuel Macron agit comme s’il avait oublié les conditions de son élection : il a été élu dans un océan d’abstention, et contre Marine Le Pen. Après sa victoire, les enquêtes d’opinion montraient d’ailleurs que très peu de personnes soutenaient le contenu et les orientations de son programme, et cela s’est encore aggravé, comme en témoigne l’incroyable chute de popularité qu’il connaît aujourd’hui.

Nous ne contestons pas la légitimé de l’élection d’Emmanuel Macron, mais nous constatons que sa politique est loin d’avoir une assise populaire. Or, les membres du gouvernement font comme s’ils rencontraient de l’adhésion, et ils agissent, comme ils disent, « vite et fort ». Si François Fillon avait pu mener à bien son projet de « blitzkrieg », il ne s’y serait pas pris autrement…

Le « coup d’État social », c’est aussi une manière de dénoncer la gravité et le côté systématique de la politique de Macron…

Pour moi, sa politique est l’aboutissement d’un projet qui est une espèce d’assaut final contre l’ordre social du pays. Il y a d’abord la très emblématique loi travail, mais aussi, plus largement, le fait que sa politique est conçue pour favoriser les plus riches : on le voit avec la baisse de l’APL d’un côté, et de l’autre la diminution de l’ISF, recentré sur les valeurs immobilières. La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) coûtera 4 milliards d’euros par an pour 0,1 % de la population ; en parallèle, le prélèvement forfaitaire unique, ou flat tax, coûtera 1,5 milliard par an, selon le gouvernement, et 4 milliards, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques. En tout, c’est environ 7 milliards de cadeaux aux riches. Or, avec 7 milliards, on crée 60 000 postes d’enseignants, 115 000 places en crèche…

La date du 23 septembre correspond aussi à d’autres échéances qui passent un peu sous les radars : par exemple, à partir du 21 septembre, le Ceta sera appliqué sans le vote des parlements nationaux. Après le cyclone Irma, le gouvernement a dit – à raison – qu’il fallait s’armer contre le changement climatique, or plusieurs rapports d’experts ont estimé que le Ceta aurait des conséquences environnementales délétères, et ce en contradiction avec les objectifs fixés par la COP 21 ! La politique d’Emmanuel Macron crée une convergence de mesures accablantes.

Que demandez-vous, avec cette manifestation du 23 septembre ?

A minima, le retrait des ordonnances. Les syndicats représentent les 18 millions de salariés du pays, mais, nous, nous faisons le pari de mobiliser au-delà. La question du travail et de son avenir concerne aussi les jeunes, les retraités, les personnes en formation, en demande d’emploi… Notre objectif est que tout le peuple français s’empare des textes des ordonnances, qu’il les décortique, en débatte, alors que l’objectif de Macron, justement, était de les faire passer pendant l’été, dans une logique de « pas vu, pas pris ».

Descendre dans la rue, c’est aussi une façon de signifier au Président ce que, par leur abstention ou leur bulletin de vote, les gens ont voulu dire – et ce n’est évidemment pas une adhésion à son programme. La manifestation du 23 est à la fois un rappel à l’ordre et une manière pour nous, députés, d’avoir un rapport de force le plus favorable possible pour contraindre le gouvernement à retirer son projet.

D’après quels indicateurs jugerez-vous la manifestation réussie ?

Évidemment, si l’on a plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue, ce sera un succès. Mais, pour moi, notre succès, en tant que mouvement politique, c’est de faire descendre dans la rue des citoyens qui n’ont pas l’habitude de le faire, ou qui n’ont même jamais manifesté. Tous ceux qui se rendent compte que les projets de flexibilisation qu’on nous sert depuis des années n’ont jamais apporté d’emplois, mais davantage d’argent aux actionnaires.

Jean-Luc Mélenchon a expliqué qu’il voulait « faire tomber la politique de Macron ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

Nous sommes des pacifistes et des démocrates : nous nous en remettons au suffrage universel. Néanmoins, quand on voit la pente savonneuse sur laquelle est lancé le Président depuis les grandes vacances, on peut se demander si cet attelage improbable va durer cinq ans. Je considère qu’Emmanuel Macron est le dernier joker dans le jeu de cartes du système : sous des apparences de renouveau, il y a un socle idéologique commun à Sarkozy, Hollande et Macron – et, cela, les Français ne l’accepteront pas longtemps. Aussi, nous devons être prêts à préparer la suite.

Quel est le sens politique de cette manifestation ?

Je ne veux pas que le 23 septembre soit « la manifestation de la France insoumise », au contraire ! C’est important que les personnes qui manifesteront viennent avec leurs propres slogans, leurs pancartes et leurs drapeaux, peu importe leur couleur.

Êtes-vous en train de changer de stratégie et de vous tourner, doucement, vers une logique de rassemblement ?

Mais la France insoumise est déjà un lieu de rassemblement entre quasiment toutes les sensibilités de gauche ! Ce qui est très enthousiasmant, c’est de voir l’hétérogénéité des profils qu’on y accueille. Il y a un socle commun qui est le programme, mais personne ne doit rendre la carte de son parti s’il en a une : seule compte l’action politique réalisée ensemble. Après, concernant les partis à l’extérieur, sur des tâches concrètes et précises, toutes les alliances ponctuelles qui pourront être faites le seront, mais on ne veut pas recréer un cartel de partis.

Adrien Quatennens Député France insoumise de la 1re circonscription du Nord.

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