Affaire de la voiture de police brûlée à Paris : un procès politique

Antonin Bernanos et les autres militants accusés d’avoir incendié un véhicule de police pendant le mouvement contre la loi El Khomri comparaissent devant le tribunal de grande instance de Paris. Une affaire emblématique de la criminalisation des mouvements sociaux sous l’état d’urgence.

Vincent Richard  • 18 septembre 2017
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Affaire de la voiture de police brûlée à Paris : un procès politique
© Photo : Simon Guillemin / Hans Lucas / AFP

Dix mois de détention provisoire malgré un dossier vide. C’est ce qu’a vécu Antonin Bernanos, l’un des inculpés de l’affaire de la voiture de police brûlée du quai de Valmy, dont le procès se tient à partir de demain, du 19 au 22 septembre. L’aboutissement d’une procédure emblématique de la répression policière et judiciaire qui s’est abattue sur les mouvements sociaux en France depuis la mise en place de l’état d’urgence… alors même que cet état d’urgence est en passe d’entrer dans le droit commun.

Rappelons brièvement les faits [1] : le 18 mai 2016, pendant le mouvement contre la loi travail 1, des syndicats policiers appellent à se rassembler place de la République contre « la haine antiflic ». Des contre-manifestants défilant à proximité croisent, quai de Valmy, une voiture de police. Une personne en brise la vitre arrière, puis un fumigène est lancé à l’intérieur du véhicule. Les policiers quittent la voiture, échangent quelques coups avec des manifestants avant de s’éloigner. L’un d’eux est légèrement blessé.

Très rapidement, dans un climat de déchaînement médiatique et politique, et sous pression des syndicats policiers, quatre militants antifascistes sont arrêtés et poursuivis, entre autres, pour « tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique » – charge depuis abandonnée.

« Vous avez les coupables, démerdez-vous pour trouver les preuves ! »

Parmi eux se trouve Antonin Bernanos, qui restera dix mois en détention provisoire. Une « peine par anticipation » selon son père, Yves Bernanos, infligée, qui plus est, sur la base d’une « enquête à l’envers » selon ses proches (résumée par la formule, attribuée par les inculpés à des policiers : « Vous avez les coupables, démerdez-vous pour trouver les preuves ! »). Ainsi, l’accusation de bris de vitre à l’encontre d’Antonin Bernanos repose sur un témoignage anonyme qui s’est avéré être celui… d’un policier.

Les charges contre les prévenus reposent plus sur leur participation antérieure à des manifestations contre la loi travail, ou sur leur tenue vestimentaire, que sur des faits avérés. Au-delà de ce dossier à charge, la procédure a montré un véritable acharnement de la part du parquet, qui a fait appel par trois fois de la décision du juge des libertés et de la détention de remettre le jeune homme en liberté sous contrôle judiciaire. Il a finalement été libéré le 28 mars dernier.

Il comparaîtra la semaine prochaine pour « violence à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique » et « dégradation par le feu » devant la 14e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Large mouvement de soutien

Depuis le début de l’affaire et jusqu’à aujourd’hui, un large mouvement de soutien s’est mis en place, mobilisant le mouvement antifasciste mais également la famille du jeune homme ou la Ligue des droits de l’homme. À l’approche du procès, les expressions de solidarité se multiplient. Mercredi, des enseignants de l’université de Nanterre, où étudie le jeune homme, ont publié une tribune pour le soutenir, tout comme le sociologue Geoffroy de Lagasnerie ou encore les universitaires Vanessa Codaccioni et Michel Kokoref, qui qualifient ce procès de « politique » et y voient une « criminalisation de l’activisme ».

Le collectif Libérons-les appelle à venir soutenir les inculpés tous les jours du 19 au 22 septembre à partir de 13 heures au TGI de Paris, et un rassemblement à l’initiative du Front social soutenu par des personnalités comme Danièle Obono (député France insoumise de Paris), Olivier Besancenot, et diverses organisations syndicales, associatives et politiques, se tiendra le mardi 19 à 19 heures devant le tribunal.

[1] Pour plus d’informations, consulter cet article ou visionner la longue interview d’Antonin Bernanos ici.

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