Extension des contrôles au faciès
En fait de démocratie, M. Macron veut une Europe cadenassée à double tour.
dans l’hebdo N° 1470 Acheter ce numéro
Monsieur Macron, président de la République française, a fait l’autre jour – c’était le 7 septembre –, depuis Athènes (Grèce), où M. Tsipras – qui fut naguère, t’en souvient-il, de gauche pendant quelques heures – lui a distribué force accolades, un magnifique « discours sur la démocratie européenne », qu’il a ensuite mis sur Twitter. (Car M. Macron est ainsi constitué qu’il ne déteste point donner un peu d’écho à ses activités – sauf bien sûr lorsqu’il se laisse déborder par son mépris de classe et lâche, par exemple, des saillies nauséabondes sur les « gens qui ne sont rien » : en de tels cas, M. Macron, tout d’un coup moins épris de la promotion de soi, redécouvre la discrétion, comme s’il souhaitait ardemment que ces proférations s’oublient vite.)
Dans le cours de sa péroraison athénienne, M. Macron a déclamé, parmi quelques autres envolées ultrasensuelles, que « plus que jamais nous avons besoin de l’Europe » – gageons que M. Tsipras aura, dans ce moment, eu d’émues pensées pour le délicat M. Juncker.
Cinq jours plus tard, l’on apprit, en lisant Le Monde, qui a très judicieusement consacré sa une à ces informations, que « le gouvernement prépare », sous le si commode prétexte de la lutte antiterroriste – le même qui a déjà servi pour l’installation de l’état d’urgence dans notre droit commun –, « une extension massive des contrôles d’identité », qui fera de surcroît « entrer » dans ce droit « des dispositions qui permettent de déroger à Schengen » : l’on sut alors que M. Macron [1] voulait, en fait de « démocratie », une Europe sécuritaire et cadenassée à double tour – et l’on trouva dans ce constat (encore) une confirmation de ce qu’il est de la même droite, exactement, qui a aussi produit Sarkozy.
L’on découvrit également, à la lecture de ce Monde, qu’à l’issue de cette « extension » les « contrôles de police » pourront bientôt être effectués « sans feu vert de la justice, sur un territoire qui », par le miracle d’une redéfinition des « zones frontalières » de l’Hexagone, regroupera « les deux tiers de la population française [2] ». Et que, bien sûr : « Au nom de l’antiterrorisme, c’est l’immigration clandestine qui semble visée. Avec la porte ouverte aux contrôles au faciès. »
À l’heure où j’écris ces lignes, ces flippantissimes nouvelles n’ont soulevé aucune émotion dans la presse dominante – mais il n’est, pour une fois, pas du tout certain que ce silence complice fasse les affaires de M. Macron, qui doit quant à lui escompter que l’immigration fera vitement l’objet d’un énième débat public, gentiment orchestré par l’éditocratie, et dans lequel il pourra revendiquer sa fermeté : c’est par ce moyen, on le sait, que les mecs de droite ont pris le pli, lorsqu’ils viennent aux affaires, de détourner l’attention publique de leurs menées antisociales – et il n’est pas douteux qu’il usera, comme ses devanciers, de cette méthode éprouvée.
[1] L’honnêteté commande de lui concéder qu’il n’en fait d’ailleurs pas (trop) mysère.
[2] Tu vis à Paris depuis toujours, et comme un-e pauvre débile tu n’avais jamais réalisé que cette ville est sur une frontière ? Te voilà dessillé-e.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.