« Good Time », de Benny et Josh Safdie : Pattinson à toute berzingue
Dans Good Time, Benny et Josh Safdie filment magistralement l’infernale fuite en avant d’un petit malfrat.
dans l’hebdo N° 1469 Acheter ce numéro
Pour une fois, on ne regrettera pas l’intense médiatisation dont fait l’objet Robert Pattinson. Ils ne sont pas légion les comédiens, états-uniens de surcroît, à avoir commencé leur carrière au cœur de la grande machinerie hollywoodienne (Harry Potter, Twilight) et suivi le trajet inverse de la plupart en rejoignant les rives d’un cinéma d’auteurs exigeants. David Cronenberg lui a permis de prendre cette nouvelle direction, avec le rôle austère qu’il lui avait donné dans Cosmopolis (2012). Connie, le personnage que Robert Pattinson interprète dans Good Time, de Benny et Josh Safdie, est tout le contraire : exalté, extraverti. Il y est tout aussi remarquable.
À Cannes, Good Time a pu faire figure d’outsider dans la compétition. Il eût été à nos yeux une réjouissante Palme d’or. Non seulement au vu du film qui en a été honoré, l’horrible The Square, mais surtout parce que Good Time, aux allures de simple polar, révèle derrière son absence de prétention une grande richesse. Tout d’abord de mise en scène. Déjà saisissante dans les œuvres antérieures des frères Safdie, en particulier l’excellent Mad Love in New York (2014), elle oscille entre gros plans découpés sur Connie/Pattinson et des scènes d’action ou de confrontation entre personnages qui sont toutes filmées à l’os.
Benny et Josh Safdie ont aussi façonné un personnage principal complexe. Connie a entraîné son frère, Nick (interprété par Benny Safdie), handicapé mental, dans un hold-up qui tourne mal. Nick se retrouve en prison, et Connie n’aura de cesse de rassembler la caution pour le libérer, tout en ayant la police à ses trousses.
Sous les traits avenants de Robert Pattinson, Connie peut sembler séduisant, ingénieux, ayant toujours la bonne idée pour se sortir des mauvais pas. Mais, dès qu’un obstacle lui barre la route, il n’a plus à son arc que le langage de la violence.
Les autres personnages ne sont pas moins habités : sur sa route, Connie croise une jeune fille noire de 16 ans (Taliah Webster), et Ray (Buddy Duress), dealer de seconde zone, bousillant tout ce qu’il entreprend.
Good Time explore un New York banal, majoritairement pauvre, dans le Queens en l’occurrence. Les frères Safdie ont aussi un œil de documentaristes, mais ils ne perdent jamais le fil de leur fiction ni le rythme trépidant de leur polar, qui n’est pas sans faire penser aux œuvres les plus réussies de Sidney Lumet. On peut avoir de pires références…
Good Time, Benny et Josh Safdie, 1 h 40.