Jacques Thollot, poète des drums

Un disque hommage à un maître des rythmes libertaires, disparu en 2014.

Lorraine Soliman  • 20 septembre 2017 abonné·es
Jacques Thollot, poète des drums
© photo : Jean Rochard

J’étais relativement bien encadré par le hasard », précise-t-il au sujet de sa prestation buissonnière à l’enterrement de Sidney Bechet, à Garches, alors qu’il n’a que 12 ans. Nous sommes en 1959, c’est l’époque où Jacques Thollot est encore parfaitement autodidacte, tout juste passé des peaux d’un tam-tam innocent à la véritable batterie. Puissamment amoureux de l’instrument et de l’infinité polyrythmique qui le caractérise, le jeune Thollot apprend le jazz « derrière les disques », chez lui à Vaucresson, encouragé par une famille à l’ouïe fine.

Les tempos aériens et les changements d’accords acrobatiques du bebop n’ont bientôt plus de secrets pour lui. Les caves enfumées de la capitale non plus, puisqu’il y fait le bœuf régulièrement dès l’âge de 13 ans, avec son père pour escorte. Sa tendre précocité et sa détermination dévorante attirent un autre père, celui de la batterie moderne, le pionnier Kenny Clarke, qui décide de donner des cours à ce juvénile phénomène qui se produira bientôt dans tout ce que comptent de clubs de jazz les deux rives de la Seine. S’y enchaînent les rencontres décisives : Bud Powell, Bernard Vitet, Jean-François Jenny-Clark, Barney Willen, Joachim Kühn, Eric Dolphy, Steve Lacy, François Tusques, Don Cherry, Karl Berger…

« Que t’a appris Kenny Clarke ? », l’interroge Jean-Jacques Birgé dans un entretien pour Les Allumés du jazz en 2001. « Tout ce que je ne savais pas, et il a confirmé certaines choses que je vivais », résume Thollot avec un sens de la formule que l’on peut savourer aussi à travers la lecture du beau livret qui accompagne la compilation Thollot in extenso, amoureusement et artisanalement élaborée par Jean Rochard (fondateur du label Nato). Jean Rochard à qui l’on doit également le grand retour de Thollot au début des années 1990, après dix-huit ans d’absence phonographique.

Le « poète des drums », comme l’a surnommé le dessinateur Siné, n’est peut-être pas aussi brillant pour se vendre que pour imaginer des figures rythmiques ou composer des lignes mélodiques où l’ordre et le désordre cohabitent sur des temps infinis. Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer fut son premier album solo, enregistré en 1971 (Futura), un opus ébouriffant où l’on entend certaines faces rares de Thollot, au piano dans un style inclassable. En 2017, c’est donc chez Nato qu’on le redécouvre, avec son dernier quartet et d’autres hérétiques compagnons de route, in extenso.

Thollot in extenso, Nato/L’Autre Distribution.

Musique
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