Macron met en scène son coup de force
La signature des ordonnances par le chef de l’État et leur promulgation n’est pas la fin du processus législatif. Le débat n’est pas clos et la mobilisation n’a pas de raison de cesser.
Emmanuel Macron aime décidément se mettre en scène. La semaine dernière, le chef de l’État avait convoqué la presse dans son bureau à l’Élysée pour qu’elle assiste à la signature et à la promulgation des deux lois sur la confiance dans la vie politique. Une mise en scène à l’américaine, inhabituelle dans notre pays, assortie d’une courte allocution qu’il a renouvelée aujourd’hui. Il s’agissait, cette fois, de signer en direct à la télévision les ordonnances réformant le Code du travail contre lesquelles des dizaines de milliers de salariés ont encore manifesté hier.
Très calculé, ce show qui se voulait solennel avait deux objectifs. D’abord assurer le service après-vente de cette réécriture contestée de notre droit du travail. Entouré de la ministre du Travail Muriel Pénicaud et du porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, le chef de l’État a ainsi salué une réforme d’une « ampleur » sans précédent « depuis le début de la Ve République ». Ce faisant Emmanuel Macron l’a décrite comme « une transformation inédite de notre modèle social » quand, lors de la campagne des élections législatives, Édouard Philippe, son Premier ministre, et Muriel Pénicaud promettaient plus modestement de le « rénover » ce qui, on en conviendra, n’est pas tout à fait la même chose.
Ensuite, et surtout, cette mise en scène élyséenne voulait faire croire, à la veille de la « marche contre le coup d’État social » organisée par la France insoumise, et des mobilisations syndicales d’ores et déjà prévues la semaine prochaine, que le processus d’adoption de cette réforme était achevé. Elle « rentrera en vigueur à compter de sa publication [qui pourrait intervenir dès ce week-end, NDLR]. Il y a une petite vingtaine de décrets qui sont prévus. Tous seront pris avant la fin de l’année. Ce qui veut dire que des premières réformes seront applicables dès les tout prochains jours », a assuré le chef de l’État.
La réalité institutionnelle est néanmoins un brin différente. Et plus subtile que la plupart des commentaires médiatiques qui ont suivi ce show télévisuel. Si les ordonnances sont, dans notre législation, applicables dès leur publication au Journal officiel, elles n’acquièrent force de loi qu’après leur ratification par l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est ce que rappellent, à juste raison, les députés communistes Sébastien Jumel et Pierre Dharréville dans un communiqué : « Signer n’est pas ratifier. »
Jusqu’à l’adoption par les élus des deux chambres d’un projet de loi de ratification, le débat continue. Dans ces assemblées bien sûr. Mais aussi dans la rue, n’en déplaise à Emmanuel Macron dont la signature scénarisée constitue une nouvelle provocation adressée à tous ceux qui contestent sa réforme.
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