Mobilité durable : les ONG ne lâcheront rien
Huit associations environnementales comptent faire de la transition énergétique un axe majeur des Assises de la mobilité, chargées de dessiner la future loi Transports du quinquennat.
Du concret, du long terme et de la rapidité. Les ONG environnementales ne veulent transiger sur aucun de ces trois impératifs lors des Assises de la mobilité qui s’ouvrent le 19 septembre. Car l’objectif de cette concertation nationale est précise : nourrir la loi d’orientation des mobilités prévue pour le premier semestre 2018. Un moment capital puisque la France n’a pas élaboré de nouvelle législation globale sur les transports depuis trente-cinq ans et que le secteur des transports est responsable de 29 % des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Six thèmes seront abordés lors de ces Assises : l’environnement, la révolution numérique, les fractures sociales et territoriales, l’intermodalité, la sécurité et la sûreté ainsi que le la gouvernance et le financement. Le 1er juillet, après avoir parcouru le trajet Paris-Rennes en moins d’une heure grâce à la nouvelle ligne à grande vitesse (LGV), Emmanuel Macron lançait que « le combat pour les années à venir, ce sont les transports du quotidien […] sans relancer de grands projets nouveaux mais [en finançant] le renouvellement des infrastructures ».
Sur le papier et dans les médias, cela rejoint les préoccupations des associations. Mais celles-ci restent vigilantes. « Nous constatons que la transition énergétique est encore balbutiante dans le secteur des transports alors que l’émission des gaz à effet de serre est en nette augmentation pour la deuxième année consécutive », signale Lorelei Limousin, responsable des politiques transports au Réseau action climat (RAC). En totale contradiction avec le Grenelle de l’environnement, la loi de transition énergétique ou encore l’Accord de Paris.
Le fret, grand absent du débat
La décarbonisation progressive promise par Nicolas Hulot, lors de l’annonce du Plan climat début juillet, est un premier pas important, notamment avec la fin des ventes de véhicules essence et diesel en 2040. « Mais comment concrétiser cela dans le quinquennat ? », demande Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie au WWF France. Tirer les leçons du dieselgate et devenir un modèle à suivre au sein de l’Union européenne seraient des gages de confiance pour les ONG. « Mais il ne faut pas délaisser les zones rurales et périurbaines car si cette transition passe beaucoup par les villes, sans ces territoires, nous ne pourrons pas atteindre un futur 100 % durable », poursuit le porte-parole de WWF France.
Les énergies renouvelables locales, comme les éoliennes, pourraient être utilisées pour développer les mobilités électriques. Les premières annonces concrètes du ministre de la Transition écologique et solidaire dans Libération devraient les rassurer puisqu’il met un point d’honneur à aider les ménages modestes, notamment grâce à la prime à la conversion des véhicules qui passera dès 2018 à 1 000 euros (au lieu de 500) et pourra servir à l’achat d’une voiture d’occasion moins polluante.
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Pour ralentir le trafic aérien et autoroutier, il faut redonner ses lettres de noblesse au réseau ferroviaire en le modernisant, en doublant les voies uniques, en développant les trains de nuit et les Intercités. « Améliorer la gestion des infrastructures existantes doit permettre de répondre à ces enjeux », affirme Daniel Ibanez, des Amis de la Terre, n’omettant pas de préciser que la ministre des Transports, Élisabeth Borne, avait fait des déclarations en ce sens devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
Pour le transport des marchandises, les ONG dénoncent la dépendance au transport routier et espèrent porter un nouveau sujet dans le débat : le retour du fret. « En matière de fret, la France est l’un des pires élèves de l’Union européenne, alors que nous savions le faire dans les années 1980, déplore Daniel Ibanez. Tant qu’on restera sur de l’idéologie et pas sur du factuel, rien ne bougera. » Pourtant, ce sujet essentiel ne semble pas être à l’ordre du jour puisqu’il ne concerne pas directement la mobilité des individus.
L’importance du vélo
Les ONG veilleront à ce que la politique du vélo ne soit plus mise de côté. Elles demandent la création d’un budget national vélo de 200 millions d’euros ainsi que le maintien du bonus VAE (vélo à assistance électrique) qui doit prendre fin le 31 janvier 2018. « C’est la seule aide aux transports qui a une date butoir, souligne Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB). Nous souhaitons également la généralisation de l’indemnité kilométrique concernant le vélo. Entre la pollution de l’air et la sédentarisation de la population, c’est un véritable enjeu de santé publique. »
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Des ambitions qui demandent du budget. Ainsi, les associations souhaitent réinjecter l’épineux sujet de l’écotaxe – désormais baptisée écoredevance – dans les débats. « Si les poids lourds payaient cette taxe, cela dégagerait une manne d’environ 1 million d’euros pour financer les transports alternatifs », explique Jean-Baptiste Poncelet, responsable des programmes de France nature environnement. Lucides, les ONG savent que tout ne se jouera pas lors de ces Assises de la mobilité, qui dureront trois mois, et gardent un œil attentif sur le projet de loi de finances 2018, qui sera présenté en Conseil des ministres fin septembre.
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