Sidi Wacho : La fête le poing levé
Sidi Wacho se produira à la Fête de l’Huma le 17 septembre. Le brassage des influences musicales de ce groupe fait de ses concerts des événements joyeux en plus d’être résolument engagés.
dans l’hebdo N° 1469 Acheter ce numéro
Sidi pour « monsieur » en arabe, wacho ou « mec » en argot urbain du Chili : voilà qui résume deux des composantes de ce collectif musical né en 2015, qui fusionne rap et cumbia. S’ajoutent à ce cocktail déjà relevé des influences balkaniques, au service de textes en trois langues – français, arabe et espagnol –, voire quatre si on y inclut le ch’ti. Des chansons qui évoquent à la fois la douleur des déracinés, les crimes des dictatures latino-américaines et ceux de la guerre d’Algérie, ou encore la lutte en Palestine.
Né de la rencontre entre le cumbiero Juanito Ayala et le rappeur lillois Saïdou à Yungay, un quartier populaire de Santiago, le groupe est rejoint par DJ Antü, Benja Berenjena au chant, l’accordéoniste Jeoffrey Arnone, les trompettistes Boris Viande et Manel Girard et le percussionniste El Pulpo. L’album Libre a été enregistré à Lille et, depuis, les membres de Sidi Wacho n’ont eu de cesse de sillonner les routes à bord de leur camionnette.
Tout l’été, ils ont tourné en France, en Allemagne et au Canada. Pour amorcer cette saison musicale, ils avaient choisi Paris et un quartier encore populaire, celui de la Goutte-d’Or, le temps d’un concert en plein air dans le cadre du festival « Rhizomes ». La pelouse du square Léon s’était transformée ce dimanche après-midi de juillet en piste de danse. Levant les mains (et parfois le poing), les Parisiens entonnaient des couplets aux notes politiques, à l’instar de « Sin miedo », qui appelle à ne pas avoir peur de crier sa révolte en descendant dans la rue. Dans « Con sabor », au refrain de « quítate lo malo » (« débarrasse-toi du mauvais »), Saïdou avait lancé à la foule « Quítate lo Macron ! ». Une chanson qui scande que « la lucha tiene sentido » (« la lutte a du sens »), inspirée par les rassemblements politiques en Amérique du Sud, grandes fêtes populaires dont la musique est une composante essentielle.
Une ferveur souvent perdue en Europe, et dont Sidi Wacho se réclame, revendiquant la joie comme moteur de l’engagement. « Les gens, en particulier dans les milieux populaires, ont besoin de ces moments de chaleur collective », constate Saïdou, avant d’évoquer « le danger de folklorisation », le risque d’une perte de sens. « On refuse d’être consommés », dit-il, l’essence politique étant au cœur même de la musique de Sidi Wacho, tout comme de l’autre formation du chanteur, le Ministère des affaires populaires. S’il a participé à des concerts de soutien pour la campagne d’Olivier Besancenot et, plus récemment, pour les Goodyear, Saïdou ne vote pas, et ce par conviction. En revanche, il sera dans la rue contre la loi travail, à titre individuel, « sans l’annoncer sur Twitter ».
Le leitmotiv majeur de l’artiste à travers sa musique, c’est peut-être l’urgence absolue de prendre la parole pour dénoncer les résidus d’un « racisme colonial qui nie l’expression artistique et politique émanant du Sud ». D’où cette connivence naturelle avec l’Amérique latine, le besoin d’aller à la rencontre des communautés mapuches, qu’il compare à ses ascendants berbères, et qui avaient motivé son voyage au Chili. « Quand je pense Sud, je pense aussi banlieues, qui sont des petits suds dans le grand Nord. » Sidi Wacho trimbale du monde dans ses chansons, des communards et des fellaghas, des sages et des révoltés, de la colère et, surtout, beaucoup de joie.
Libre, Sidi Wacho, dans les bacs et en téléchargement gratuit. En concert à la Fête de l’Humanité le dimanche 17 septembre, à 18 h 30.