Un bobard de M. Macron
Dans cette France, en vérité, les réfugié-e-s subissent des traitements inhumains.
dans l’hebdo N° 1471 Acheter ce numéro
M. Macron, on le sait, raconte des fois des bobards [1], et certaines de ses fables sont franchement très incommodantes.
L’autre jour, dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, il a ainsi fait cette déclaration : « La protection des réfugiés est un devoir moral et politique dans lequel la France a décidé de jouer son rôle. »
Sous-entendu : voyez comme je suis bon. Voyez : je sauve des vies.
Sauf qu’en vrai : non. En vrai, le rôle de la France n’est pas du tout – du tout – celui que prétend son président.
Cela s’est vu l’été dernier à Calais, où les associations humanitaires qui viennent en aide aux exilé-e-s ont subi, pendant des semaines, le harcèlement des forces de l’ordre (FDL’O), qui les empêchaient, par exemple, de distribuer de l’eau et de la nourriture aux « réfugiés » : ce n’est qu’après que le Conseil d’État eut dénoncé, au mois de juillet dernier, des « traitements inhumains et dégradants » et remontré notamment que « la prise en compte des besoins élémentaires des migrants en ce qui concerne leur hygiène et leur alimentation en eau potable demeur(ait) manifestement insuffisante » que des latrines et quelques robinets ont enfin été installés – qui, bien évidemment, « ne règlent pas la question sanitaire [2] ».
Cela se voit aussi quand Cédric Herrou est condamné pour avoir pris en charge des réfugié-e-s dans la vallée de la Roya.
Cela se voit encore dans la nouvelle et terrifiante loi renforçant « la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » dont nous vous parlions la semaine dernière, et dont l’article 10 postule que les FDL’O, libérées de la tutelle des juges, pourront désormais, de leur propre initiative, vérifier « le respect, par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d’éléments objectifs extérieurs », de l’obligation de présenter des documents d’identité et de séjour – puis procéder aux « reconduites » que M. Macron, il y a (très) peu, appelait de ses vœux.
Dans cette France, les réfugié-e-s, en vérité, subissent, répétons-le, des « traitements inhumains » – et celles et ceux qui leur portent secours sont poursuivis en justice. Dans cette France, les réfugié-e-s ne sont plus à l’abri nulle part : c’est partout, désormais, qu’ils seront, bien plus encore que dans les quinquennats précédents, et ce n’est certes pas peu dire, traqués – au faciès – puis renvoyés, pour la plupart, et dans le meilleur des cas, vers de nouvelles souffrances.
Lorsqu’il suggère qu’il dédie le début de son quinquennat à la « protection des réfugiés », M. Macron, derechef, divague donc – mais il est vrai aussi qu’il eût été étonnant qu’il confesse devant l’ONU que, dans l’accomplissement de ce « devoir moral et politique », la France a décidé d’être dégueulasse.
[1] Comme quand il jure cent fois qu’il n’est « ni de gauche ni de droite » alors qu’il est en réalité d’une droite si radicale dans ses brutalités qu’on se prendrait presque, lorsqu’on l’endure, à regretter rétrospectivement la tempérance du sarkozysme.
[2] Le Monde, 25 août 2017.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.