« Bricks », de Quentin Ravelli : Ville-fantôme
Retour sur les victimes du crédit immobilier en Espagne à travers l’exemple d’une cité.
dans l’hebdo N° 1474 Acheter ce numéro
Une fabrique de briques à la chaîne. Dans le bruit infernal des machines et la poussière d’argile, l’une après l’autre, elles passent sur des rouleaux pour être taillées, retaillées et empilées sur des palettes. À peine plus loin, au milieu d’un paysage de western américain, dans une aridité découpée au scalpel, la ville de Valdeluz dresse ses avenues post-modernes, bordées d’immeubles de briques flambant neuf. Et vides.
Tel est le décor choisi par le réalisateur Quentin Ravelli pour son premier film, Bricks, croisant de bout en bout les images (superbes) d’une usine de briques qui se morfondent dans les entrepôts et celles de la cité-fantôme de Valdeluz pour illustrer le sort des victimes du crédit immobilier en Espagne. Valdeluz, ou le rêve virant au cauchemar, une ville qui s’annonçait parfaite, dynamique, avec 9 000 logements, 30 000 habitants, vantant ses écoles, ses parcs, son complexe sportif, sa gare TGV à 20 minutes de Madrid. En 2008, la crise économique a balayé les banques et les promoteurs immobiliers. La ville est restée à l’état de chantier, suspendue dans le temps. Avec ses rues menant nulle part, ses barres d’immeuble aux ventres ouverts, ses terrassements et ses aménagements inachevés.
En Espagne, des milliers de personnes, conseillées par l’État, étaient devenues propriétaires en se surendettant à vie, avant de subir le chômage et les procédures d’expulsion (jusqu’à 500 000 dans l’ensemble du pays). Une tragédie remarquablement relatée ici à travers l’exemple d’une petite ville, sans commentaire ni banc-titre, s’appuyant sur les témoignages désespérés de son maire et de ses habitants. Sans non plus se contenter de cadrer les détresses. C’est aussi l’intérêt de ce documentaire : filmer les luttes qui s’organisent contre les banques et les expulsions, dans la solidarité générale.
Bricks, Quentin Ravelli, 1 h 23.