L’Alaska menacée par les forages
Les sénateurs américains républicains veulent ouvrir tous les espaces protégés aux prospections pétrolières et minières. En commençant par une réserve de 14 millions d’hectares en Alaska.
Cela fait des années que les plus acharnés des sénateurs et représentants républicains cherchent des moyens pour changer ou contourner les législations interdisant de forer des puits de pétrole dans les espaces protégés. C’est notamment le cas pour une immense réserve naturelle de 14 millions d’hectares, l’Arctic National Wildlife Refuge en Alaska, pays des ours polaires, des caribous, des morses, des phoques et de dizaines d’espèces d’oiseaux. C’est aussi la terre sacrée des Gwich’in, la plus septentrionale des tribus vivant en Amérique du Nord. Cette population fragile de 10 000 personnes survit difficilement de la pêche, de la chasse et du commerce de peaux et de fourrures. Sa vie quotidienne serait gravement remise en cause par le moindre accident.
Avec le soutien de Donald Trump et évidemment celui des sociétés pétrolières, des sénateurs républicains pensent avoir trouvé une astuce pour contourner la loi. Ils veulent introduire dans le budget 2018, par l’intermédiaire du Comité sénatorial pour les ressources naturelles, un amendement qui contraindrait les responsables de la réserve naturelle à générer un revenu de 5 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Comme cette réserve, et d’autres offrant des perspectives pétrolières ou minières, n’ont pratiquement pas de ressources propres, il ne resterait ensuite comme solution à ses gestionnaires que d’accorder des permis de forage et éventuellement d’exploitation à des sociétés pétrolières.
Comme ce projet en cours de finalisation relève de la simple préparation du budget fédéral, il suffit que cinquante sénateurs le votent : ce qui est tout à fait possible dans un Sénat où ils comptent une majorité de 52 voix sur 100. Cette initiative est préparée par les deux sénateurs de l’Alaska qui militent, depuis l’élection de Donald Trump, pour que l’administration américaine recouvre les droits de vendre des droits de forage le long des côtes arctiques. L’un deux, Dan Sullivan, explique franchement :
Nous pensons que le Sénat saisira cette opportunité de restaurer tous les droits de forage supprimés par Obama.
Quant à l’autre Sénateur, Lisa Murkowski, elle appuie le projet car elle se trouve être la présidente du Comité sénatorial pour l’énergie…
Le président du Comité pour les ressources naturelles du Congrès, un certain Rob Bishop, élu de l’Utah, mormon et connu pour son climatoscepticisme, explique qu’il faut aller au-delà de l’ouverture des côtes de l’Arctique et trouver les moyens législatifs d’accorder des permis de forage gazier et pétrolier ou de prospection minière dans tous les espaces fédéraux protégés, « parce que cela permettrait de rapporter des milliards au budget fédéral ».
Les mêmes sénateurs préparent des amendements au budget, sans qu’il soit jamais question de pollution, de protection de la nature, de l’environnement ou des espèces animales, qui devraient aussi permettre de vendre dès 2018 les droits à forer dans l’est du golfe du Mexique. Alors que le moratoire voulu par l’administration Obama (et réputé renouvelable) n’expire qu’en 2022.
L’idée des sénateurs d’utiliser la législation budgétaire pour contourner toutes les interdictions légales est appuyée officiellement par Scott Pruitt, le directeur de l’Agence fédérale pour l’environnement, qui a déjà licencié, depuis janvier, la moitié de ses scientifiques chargés de veiller sur les milieux naturels et de lutter contre les pollutions…
Des sénateurs démocrates ont tenté, ce week-end, de bloquer le contournement de la loi, mais ils ont échoué.
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