« L’Assemblée », de Mariana Otero : Agoraphilie

L’Assemblée est un film en immersion, qui témoigne du besoin de démocratie dont Nuit debout a été l’expression.

Christophe Kantcheff  • 11 octobre 2017 abonnés
« L’Assemblée », de Mariana Otero : Agoraphilie
© photo : DR

Et le lendemain soir, Nuit debout était encore vivante… Voilà ce que montre d’abord L’Assemblée : les efforts déployés pour que, matériellement, ce mouvement singulier puisse continuer. Il faut chaque jour remonter les tentes, relancer l’intendance sur cette place nue de la République où, la veille, tout a dû être débarrassé. Et ce malgré les obstacles, la pluie prodigue, le vent, les CRS… Cette obstination à réoccuper la place est à la mesure de l’énergie mise à repenser des évidences, à interroger et à déconstruire des données « naturelles », dont ceux qui participent à Nuit debout ne veulent plus : le vote, la démocratie représentative… Voilà l’histoire que raconte L’Assemblée : comment, ensemble, réinventer la démocratie. Autant dire, comment bouger ce qui ressemble à une montagne.

Mariana Otero filme en immersion (c’est le cas de le dire) le cœur vibrant de Nuit debout, l’assemblée populaire, sans pour autant cacher les nombreuses difficultés qui surgissent, le ridicule, parfois, qui affleure dans des débats sans issue (mais le ridicule menace ceux qui s’aventurent en terrain inconnu), ou la fatigue qui gagne. Elle filme des individus cherchant à se constituer en collectif solidaire, indivisible. Des corps transis dans des vêtements chauds, des visages concentrés, majoritairement jeunes, parfois émouvants comme peut l’être un visage en gros plan chez Philippe Garrel ou Jean-Luc Godard. La cinéaste capte des paroles qui claquent ou qui chavirent, des idées exigeantes ou anodines, des mots en résonance ou contradictoires. Elle montre un face-à-face symbolique entre deux adversaires aux forces inégales : Nuit debout en manifestation face à l’Assemblée nationale. L’Assemblée déploie son suspense d’agora bien qu’on en connaisse a posteriori la fin : mais par quels chemins pratiques et intellectuels ces Sisyphe d’une démocratie idéale sont-ils passés ?

Jamais emphatique, ce film est au diapason de l’élan qui caractérise une parole qui se libère. Il n’y a pas tant de ces moments d’histoire en France, imprévisibles comme Nuit debout l’a été. C’est une chance que le cinéma, y compris documentaire, rarement en prise directe, s’y soit confronté grâce à Mariana Otero. L’Assemblée est un film précieux qui rassemble les citoyens et les cinéphiles.

L’Assemblée, Mariana Otero, 1 h 37.

Débats à l’Espace Saint-Michel (Paris)

18 octobre, 20 h, avec Monique et Michel Pinçon-Charlot, et Mariana Otero.

19 octobre, 20 h, « Des policiers au-dessus des lois ? », avec Frédéric Raguénès (lire ici).

20 octobre, 20 h, avec Frédéric Lordon.

Voir la liste complète des débats sur lassemblee-lefilm.fr

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes