Régie publique de l’eau : « un choix politique »
À l’initiative de la coordination eau Île-de-France, des élus et habitants de la région se sont réunis le 12 octobre pour protester contre la gestion privée de ce « bien commun ».
Une action symbolique des élus et des habitants. Le 12 octobre, sur les quais de la Seine, à proximité des Invalides (Paris VIIe), tous forment une file devant l’une des fontaines publiques de la capitale. Un à un, ils remplissent des jerricanes et des récipients : passée à la gestion publique, l’eau de Paris est 25 % moins chère que dans les autres villes d’Île-de-France. Dans la plupart des autres municipalités, c’est encore au Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) que revient cette gestion. Celui-ci l’a déléguée à Veolia, une entreprise privée, d’où la différence de prix entre Paris et la banlieue.
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L’eau, une marchandise comme les autres
Chrysis, venue avec sa cruche depuis Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), souligne aussi la différence de qualité : « Dans ma ville, l’eau est gérée par Veolia. Ils utilisent de l’aluminium pour la rendre plus transparente. » La jeune femme critique sa municipalité qui a choisi de réadhérer au Sedif. Pour Sabine Rubin, députée France insoumise de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis, le cas de Paris est un exemple de la réussite des régies publiques :
Cette question de sortie du Sedif, c’est d’abord un choix politique. Les aspects techniques arrivent dans un second temps. Il est nécessaire qu’il y ait une réflexion commune autour de la question et notamment sur les investissements à mettre en place. Mais sur le long terme, ces investissements servent à la population : le cas de Paris est la preuve du succès du passage à une régie publique de l’eau. Après tout, l’eau est un bien public et appelle donc une gestion publique.
Évolution des mentalités
Alain, habitant de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), insiste sur la nécessité de sensibiliser les gens à cette question. « Si moi je suis ici aujourd’hui, c’est parce que je veux faire savoir aux gens de ma ville qu’ils payent leur eau plus chère, témoigne l’ancien plombier. Les gens croient naïvement que le prix est décidé par l’État. C’est faux. » Mais les mentalités semblent évoluer. « La preuve, remarque Christian Métairie, maire EELV d’Arcueil (Val-de-Marne), la régie publique de l’eau était inscrite sur nos programmes municipaux de 2008 et 2014. Si nous avons été élus, c’est aussi car les gens adhèrent à l’idée. » Le maire se donne deux ans pour réfléchir aux solutions techniques avant de sortir du Sedif.
Gestion financière trouble
« La gestion du Sedif a aussi été épinglée par la chambre régionale des comptes, remarque Jean-Claude Oliva, directeur de la coordination eau Île-de-France et élu EELV. Dans le contrat initial, la rémunération de Veolia s’élevait à 7 millions d’euros par an. Mais, à partir 2014, cette rémunération a dépassé 20 millions d’euros. » Le rapport de l’institution mentionne aussi que l‘entreprise, qui a bénéficié du CICE, n’a pas tenu compte de cet avantage dans l’actualisation du prix de l’eau. _« Et Veolia a perçu pour la seule année 2015 une recette supplémentaire de l’ordre de 3 millions d’euros, qui n’apparaît dans aucun document financier entre le Sedif et son délégataire », conclut le texte.
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Une « liberté » et un droit refusés
Au même moment, l’Assemblée nationale examinait une proposition de loi qui entendait revenir sur le transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités à compter de 2020 prévu par la loi NOTRe de 2015, afin de laisser aux élus locaux plus de « liberté ». Et singulièrement celle d’opter pour la régie publique. Initié par le groupe LR, ce texte adopté au Sénat en février avait le soutien dans l’hémicycle des groupes Constructifs, Nouvelle gauche, France insoumise et communiste. Le groupe de La République en marche (LREM) s’y est opposé et a fait adopter par 62 voix contre 34 une motion de renvoi en commission qui vaut enterrement.
Auparavant, en commission, les élus LREM s’étaient opposés à des amendements défendus par les députés FI Ugo Bernalicis et Danièle Obono, visant à rendre effectif le droit à l’eau. Celui-ci est pourtant considéré, depuis une résolution de l’assemblée générale des Nations unies du 28 juillet 2010, comme un droit fondamental de la personne humaine.
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