À la une aujourd’hui
Patrick Eveno signe un instructif siècle d’histoire à travers les couvertures de la presse.
dans l’hebdo N° 1476 Acheter ce numéro
Lundi 16 novembre 1970, l’hebdo Hara-Kiri titre : « Bal tragique à Colombey – 1 mort » Il s’agissait évidemment d’un rapprochement entre un incendie dans une discothèque, survenu deux semaines auparavant, qui avait causé la mort d’une centaine de personnes, et le décès du général de Gaulle.
Une provocation pour les gaullistes, qui interdisent alors le journal, lequel renaît la semaine suivante sous le nom de Charlie Hebdo. Le Courrier picard s’en souvient le 8 janvier 2015, après l’attentat au sein de la rédaction du journal satirique, en titrant : « Balles tragiques à Charlie Hebdo : 12 morts »
Ce sont là deux unes que restitue Patrick Eveno, professeur en histoire contemporaine à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et spécialiste des médias. Deux unes parmi une centaine d’autres témoignant d’un siècle d’histoire, de l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche François-Ferdinand, faisant la couverture du Petit Parisien, le lundi 29 juin 1914, au face-à-face entre Trump et Macron, le 26 mai dernier, en première page du Figaro.
Entre les deux, on est passé du noir et blanc à la couleur. Mais pas seulement, dans cet ouvrage qui se veut d’abord historique, en revenant sur les principaux événements, au fil des années, depuis la Grande Guerre, en passant par la révolution russe, un jeudi noir à Wall Street, la rafle du Vel d’Hiv, Hiroshima ou encore le printemps assassiné de Budapest, la loi Veil et l’élection de Barack Obama.
Autant d’événements traités à la une des journaux qui révèlent également une histoire de la presse (l’auteur livrant aussi beaucoup d’éléments informatifs sur chaque journal). Où l’on observe ainsi que le 29 avril 1925, Le Matin titre sur l’Exposition des arts décoratifs, au milieu d’une masse d’informations mêlant plusieurs actualités internationales, santé, fait divers et politique. L’Humanité du 25 février 1931 ne fait pas mieux, qui appelle à la une à manifester ce jour-là. À côté huit autres articles, cinq photos et, toujours sur la même page, deux caricatures. Pas moins. Le 8 juin 1936, Le Populaire en fait autant.
Longtemps, la une est restée première source d’informations, chargée, saturée de texte et de plusieurs images ou dessins. Quitte à être austère. Ce n’est qu’avec l’avènement de la radio, de la télévision qu’elle va s’éclaircir, se dépouiller parfois, pour transmettre une émotion, apporter un commentaire, susciter la curiosité du lecteur. Le style Libé (avec un losange rouge en guise de logo depuis 1981) en est la meilleure illustration, privilégiant le titre et la photographie. Ça n’en reste pas moins des unes très fortes.
100 ans à travers les unes de la presse, Patrick Eveno, 270 p., 29,95 euros.