Bidonville de la Petite Ceinture : que faire des expulsés ?
Les résidents évacués du bidonville du XVIIIe ont encore été placés en logements temporaires. Une politique qui ne fait que déplacer le problème, sans le résorber à long terme.
Pour la quatrième fois en trois ans, le bidonville longeant le boulevard Ney a été évacué mardi 28 novembre à 7h30. Les familles presque exclusivement roms s’étaient installées sur la voie de chemin de fer entre les Portes de Clignancourt et de La Chapelle, un terrain appartenant à SNCF Réseau. Pour réaliser des travaux, la compagnie a demandé l’expulsion des occupants, entre 247 et 300 personnes. La mairie de Paris et la préfecture d’Île-de-France se sont partagé les responsabilités pour accompagner les familles et les placer en hébergements temporaires.
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Les expulsions s’accumulent, les prises en charge se ressemblent, déplore Nathalie Jantet, bénévole du Secours catholique. La politique de résorption des bidonvilles et de relogement a toujours été limitée : jusqu’à présent, elle ne relogeait qu’une petite partie des habitants pour trois jours potentiellement renouvelables, sans accompagnement poussé des familles. Pour des questions financières, « il vaudrait mieux que les efforts soient efficaces », explique pourtant Livia Otal, responsable du service résorption des bidonvilles auprès des Enfants du canal. Dans un article publié en janvier 2012 par la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl), son directeur Jean-Martin Delorme expliquait que loger une famille avec trois enfants à l’hôtel coûte à l’État 19 000 euros par an.
Les solutions proposées après les expulsions ne sont pas adaptées aux situations individuelles, regrette Livia Otal. S’ils sont majoritairement des migrants économiques, certains ne viennent que pour quelques mois, quand d’autres sont en France depuis plus de cinq ans. Ces placements en hôtels ou en centres d’accueil d’urgence non seulement perpétuent la précarité que les occupants sont censés quitter avec le bidonville, mais leur coûtent cher également. Les structures d’accueil choisies sont en effet trop éloignées de leur quartier, des écoles ou des hôpitaux. Si bien que mardi 28 novembre, la moitié des résidents étaient déjà partis.
Les présents ont tous été placés dans des centres d’urgence ou en hôtels et ce pour une « plus longue durée », explique Nicolas Clément, s’appuyant sur les dires du sous-préfet Jérôme Normand. Grâce aux demandes des associations, un recensement a été réalisé pour mieux comprendre et accompagner les familles. Elles ont cependant été réparties de façon aléatoire en Île-de-France : l’hôtel le plus éloigné se situe à Goussainville, dans le Val-d’Oise. « Les gens ont été transportés par cinq bus. On sait à peu près où ils sont partis, mais on ne sait pas précisément qui est où », détaille Nicolas Clément.
« Une politique qui ne fonctionne pas »
Les associations espèrent que les pouvoirs publics leur feront un suivi de ces placements. Sinon, elles devront enquêter pour retrouver les familles et ainsi continuer à les aider. Afin que cette expulsion ne mine pas tout leur travail d’intégration des occupants. En cela, les associations font « le travail que les pouvoirs publics sont censés faire », regrette Nicolas Clément.
Si des mesures comme la plateforme d’accueil, d’information, d’orientation et de suivi (AIOS) ont été mises en place, elles ont des résultats mitigés et critiqués par le monde associatif. L’objectif de la mesure régionale est d’accompagner les habitants de bidonvilles et de les guider pour qu’ils s’intègrent. Pour Manon Filloneau, déléguée générale du CNDH Romeurope, ce genre d’initiatives est confronté aux mêmes barrières que les associations. En cause, le manque de coordination, la complexité institutionnelle et le désengagement des employés de l’État.
Pour Livia Otal, « c’est l’illustration d’une politique qui ne fonctionne pas ». Selon elle, évacuer et démanteler comme cela est fait actuellement déplace le problème, parfois même pour mieux le faire « revenir à la case départ ».
« Il y a une issue possible pour les résidents placés », commente Nicolas Clément, et cette sortie du bidonville doit se faire de manière progressive et individualisée. « Il faut des diagnostics sociaux poussés pour insérer les individus dans le marché du travail. Le suivi doit être très fort », explique Nathalie Jantet. L’intégration de ces habitants prend du temps et peut durer plusieurs années, mais elle peut être atteinte. « Le parcours entre la rue et le logement est long et compliqué », soutient Livia Otal.
Quelques initiatives réussies peuvent être une source d’inspiration. Au cœur de ces succès se trouvent les associations, mais aussi les pouvoirs locaux. En Haute-Garonne, une stratégie de résorption partenariale et territoriale a permis de réduire le nombre de personnes vivant en bidonvilles : la population départementale est passée de 1 200 en 2012 à 600 en 2017, selon le rapport 2017 du CNDH Romeurope.
Feu le bidonville de la porte de La Chapelle n’est qu’un exemple parmi les 571 bidonvilles, squats et campements de France. La situation des personnes ayant habité sur cette voie de chemin de fer reflète celle des 16 000 autres en France, selon les données d’avril 2017 de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal). Quand il est n’est pas bousculé par une expulsion, leur quotidien est compliqué par des conditions de vie insalubres, une faible scolarisation des enfants, des difficultés à accéder aux services publics sociaux, hospitaliers, bancaires, judiciaires ou encore d’emploi.
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