Catalogne : Un retour de l’autoritarisme
La justice espagnole a lancé un mandat d’arrêt européen contre Puigdemont pour « rébellion, sédition, détournement de fonds publics et désobéissance à l’autorité » : un motif d’un autre âge.
dans l’hebdo N° 1477 Acheter ce numéro
La Belgique extradera-t-elle Carles Puigdemont, président destitué de la Catalogne, avec quatre anciens ministres « en visite » avec lui à Bruxelles depuis fin octobre ? La justice espagnole a lancé contre eux, le 3 novembre, un mandat d’arrêt européen. « Rébellion, sédition, détournement de fonds publics et désobéissance à l’autorité » : un motif d’un autre âge, d’autant qu’aucun crime de droit commun n’a été commis.
Le gouvernement espagnol semble tombé dans le piège, en prenant à témoin l’Union européenne qui faisait tout pour éviter d’être convoquée à l’examen de la crise. Depuis le 1er octobre et le « oui » à l’indépendance du référendum catalan, Bruxelles et les plus influents des Vingt-Huit s’alignent derrière la légalité constitutionnelle mise en avant par Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol.
Car si Puigdemont a choisi la capitale européenne pour exporter le bras de fer contre Madrid, c’est aussi que Bruxelles est une scène politique très réactive sur les questions indépendantistes. Interpellée sans déplaisir en cette occasion bien peu fortuite, la droite flamande autonomiste a mis les pieds dans le plat. « Qu’ont-ils fait de mal ? Simplement appliquer le mandat qu’ils ont reçu de leurs électeurs… », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA, Alliance néo-flamande). Bien qu’hostile à la politique de Puigdemont, le président du Parti socialiste belge, Elio Di Rupo, serait « très choqué » de le voir en prison et critique Rajoy, « qui s’est comporté comme un franquiste autoritaire ».
En France, Ségolène Royal s’émeut : « Qu’est-ce que c’est que cette Europe qui, en son sein, assiste à l’incarcération de responsables politiques ? » C’est le cas depuis le 17 octobre pour Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, présidents des plus importantes associations indépendantistes catalanes, pour simple délit d’entrave aux interventions policières de Madrid en Catalogne. Et six dirigeants sécessionnistes doivent être entendus jeudi par la Cour suprême espagnole.
Que la justice belge donne suite ou non au mandat d’arrêt, le malaise européen va monter d’un cran, et jusqu’à l’élection du nouveau gouvernement catalan, le 21 décembre, un scrutin décidé par Rajoy. Selon les premiers sondages, les mouvements indépendantistes perdraient de peu la majorité absolue. Mais un temps déstabilisé, ce front pourrait se ressouder devant la volonté punitive de Rajoy. La candidature de Puigdemont est ardemment souhaitée par son parti (PDeCAT). L’État espagnol lui offrira-t-il la publicité d’une campagne menée derrière les barreaux ?