Climat : Des solutions pour agir… vite !

Face à la catastrophe climatique, comment penser l’urgence et comment organiser l’action ? Politis et Attac ont organisé une rencontre à Paris en pleine COP 23.

Marine Caleb  • 16 novembre 2017 abonné·es
Climat : Des solutions pour agir… vite !
© photo : Vietnam News Agency/STR/AFP

Les mauvaises nouvelles s’enchaînent. « Les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse. La COP 23 est en train d’enterrer l’Accord de Paris », alerte le politologue François Gemenne à la tribune de la rencontre sur la catastrophe climatique organisée par Politis et Attac le 10 novembre, salle Jean-Dame à Paris. « Mais la bataille des 2 °C n’est pas perdue ! », répond l’économiste Maxime Combes, membre d’Attac (voir encadré). Si les temps sont sombres, l’heure n’est pas à la désespérance mais à l’action. C’est l’impression qui ressort, notamment dans la salle. « Se saisir de l’urgence pour mieux agir », précise la rencontre découpée en mini-débats. 

Retrouvez tous les débats en vidéo ici !

Victoire Guillonneau, de 350.org, veut distribuer de l’espoir. « De petites actions peuvent avoir des effets papillon. »

Le droit, un enjeu majeur

La bataille des 2 °C n’est pas perdue Le 31 octobre, à la veille de l’ouverture de la COP 23 à Bonn (Allemagne), le programme des Nations unies sur l’environnement (Pnue) a publié un nouveau rapport alarmiste. « Un an après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, nous nous retrouvons dans une situation où les efforts sont encore insuffisants pour éviter un avenir misérable à des centaines de millions de personnes. C’est inacceptable », a affirmé Erik Solheim, le patron de l’ONU Environnement. La hausse moyenne de la température par rapport au début de l’ère industrielle pourrait atteindre les 3 °C en 2100 si rien n’est amélioré. Le « si » pèse lourd : la bataille des 2 °C ne doit pas être enterrée, non seulement parce qu’il existe des éléments juridiques pour la poursuivre, mais aussi parce que le Pnue lui-même n’abandonne pas l’objectif. Même si Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, le Pnue y croit encore : « Si nous investissons dans les technologies adéquates en nous assurant que le secteur privé soit impliqué, il est possible de respecter la promesse que nous avons faite à nos enfants de protéger leur avenir. » Selon Maxime Combes, le Pnue « trace une ligne de crête exigeante mais praticable, pour combler l’écart d’ici à 2030 […]_. Avec plus de 70 % des émissions de GES liées à la combustion des énergies fossiles et à l’industrie du ciment, les premières cibles sont claires : sortir du charbon aussi vite que possible en arrêtant d’investir »_, explique-t-il sur son blog. Le Pnue désigne d’autres fronts dans les domaines de l’agriculture, du bâtiment, de l’énergie, de la foresterie, de l’industrie, du transport… La barre des 2 °C doit rester l’horizon indépassable.
« Nous avons raison d’avoir peur, martèle Geneviève Azam. Pourtant ce qui nous menace, c’est l’idée que nous pourrions gérer la catastrophe ou la repousser. » Selon l’économiste, membre d’Attac et chroniqueuse à Politis, l’heure est venue de s’y préparer. Quantités d’initiatives se multiplient partout dans le monde rappelle la co-auteure du Monde qui émerge [1].

« Le droit est l’enjeu majeur du combat social du XXIe siècle » et il est à voir comme un « outil à notre service » pour penser le monde de demain, déclare Marie Toussaint, juriste et initiatrice de Notre affaire à tous. La question du droit international est par exemple primordiale dans la bataille contre le Ceta, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, et interviendrait comme une obligation pour « réguler les droits des multinationales et soutenir les droits humains », poursuit Maxime Combes.

Christel Cournil, maître de conférences en droit public à l’université Paris-XIII, met en avant la nécessité de revoir le droit en matière de climat. Deux options sont envisagées : la modification des protections déjà existantes, notamment autour des réfugiés et des migrations, ou la création d’un nouveau droit. Une solution envisageable pourrait être, selon elle, de se réapproprier le droit local en créant des accords régionaux.

« Vivir bien »

Marie Toussaint met en avant la défense d’un « droit de la nature », une idée qui progresse [2]. Simple logique pour Pablo Solón, tout le monde faisant partie de la nature, un droit devrait lui être dédié. Il est nécessaire de sortir de l’anthropocentrisme et de changer « fondamentalement notre relation avec la nature », explique l’ancien ambassadeur de la Bolivie aux Nations unies. Parce que la crise climatique est aussi financière, sociale et politique, y faire face demande en effet d’avoir une vision globale et de modifier les modes de vie. Changer de système économique ne suffit pas, insiste-t-il. Le combat contre le réchauffement climatique doit aussi passer par la fin du patriarcat, « le remplacement du productivisme par la reproduction et le principe de la vie », mais aussi par la réparation de nos écosystèmes. Cela comprend également le respect d’une démocratie participative et la solidarité envers les réfugiés climatiques. Pablo Solón prône le « vivir bien », philosophie qui s’appuie sur un « équilibre dynamique entre toutes les composantes de la Terre Mère ». Elle est à mettre en complémentarité avec « l’écoféminisme, la décroissance, la souveraineté alimentaire, les droits de la Terre Mère, l’écosocialisme, la démondialisation… »

Localiser les luttes

« Quand je parle du réchauffement climatique autour de moi, les gens pensent qu’il va faire 5 °C de plus et qu’ils seront en T-shirt… Comment faire pour mobiliser les masses ? », lance Txetx Etcheverry, cofondateur d’Alternatiba. « Que faudrait-il faire pour rester dans un cadre climatique à peu près gérable ? », interroge le climatologue Hervé Le Treut. Pour Victoire Guillonneau, les mouvements qui fonctionnent sont ceux qui « nous touchent au premier plan : les violences sur le corps et sur notre dignité ». « Il faut décliner le mouvement contre le changement climatique à l’échelle locale, renchérit Txetx Etcheverry, créer des solidarités locales, des partages de commun, relocaliser l’économie. Il faut un projet enthousiasmant et en même temps réalisable. »

Maxime Combes est sur la même ligne : le combat pour la sortie des énergies fossiles doit passer par la défense du territoire sur lequel sont implantées les infrastructures.

« La question est climatique et géopolitique, mais aussi sociale, avec l’accentuation des inégalités liée au changement climatique, souligne Christophe Bonneuil, historien des sciences et directeur de la collection Anthropocène au Seuil. La question, c’est : comment faire émerger les victimes en sujet de mouvement social ? » « La question des mobilités humaines est réduite à une seule mention dans l’Accord de Paris, dans le préambule et de manière assez floue. C’est dire l’importance qu’on lui accorde », lance Christel Cournil. « Ces mauvaises nouvelles posent la question de l’habitabilité de la Terre, résume François Gemenne. Pour une grande partie de la population de l’Afrique et de l’Asie, l’économie et l’environnement sont la même chose », assène-t-il en appelant à remettre en cause les souverainetés et à repenser la fraternité et les solidarités.

[1]Le monde qui émerge. Les alternatives qui peuvent tout changer, Christophe Aguiton, Geneviève Azam, Elizabeth Peredo, Pablo Solón, Les Liens qui libèrent, 267 p., 13,50 euros.

[2] Voir notre entretien avec Valérie Cabanes, « Reconnaître le crime d’écocide ».

Écologie
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