La revanche de la Gironde

Devant l’Association des maires de France, le chef de l’État a évoqué sa préférence pour une organisation territoriale ordonnée autour des métropoles et des régions.

Liêm Hoang-Ngoc  • 29 novembre 2017 abonné·es
La revanche de la Gironde
© photo : LUDOVIC MARIN / AFP

Le congrès de l’Association des maires de France a été l’occasion de constater l’attachement des Français à leurs communes. Avec les départements, créés dès la Constituante de 1789, elles sont le socle de la République, une et indivisible. Elles étaient financées, à l’origine, par les « Quatre Vieilles » (un ensemble de contributions directes), qui deviendront les impôts locaux actuels. En réduisant la dotation d’équipement des territoires ruraux et en supprimant la taxe d’habitation, le président de la République s’est attaqué à deux emblèmes de l’organisation territoriale. Les collectivités peuvent certes s’endetter pour financer l’investissement, mais l’État entend leur imposer une progression maximale des dépenses de 1,2 % par an, pour les assujettir à la discipline budgétaire européenne. Les 13 milliards d’euros d’économies programmées sur cinq ans dépouilleront les communes des ressources nécessaires à l’entretien des services publics. La suppression des contrats aidés est catastrophique : dans le secteur non-marchand, 64 % correspondent à des emplois qui n’auraient pas été créés sans ce dispositif. Et certains compensaient l’absence de créations de postes dans la fonction publique territoriale.

Pour justifier une telle austérité, d’aucuns invoquent les doublons avec le niveau régional, sans assumer leur tentation de supprimer départements et communes. Telle est pourtant la logique du projet de décentralisation que portent les héritiers de la Gironde, dont le Premier ministre s’est explicitement réclamé lors de son discours d’investiture. Devant l’AMF, le chef de l’État lui-même a évoqué sa préférence pour une organisation territoriale ordonnée autour des métropoles (se substituant progressivement aux départements) et des régions. Elle s’accompagnerait d’une refonte de la fiscalité locale, qu’il a demandée à la Conférence nationale des territoires de préparer. Prétendant laisser cours à l’initiative locale, Emmanuel Macron propose une révision de l’article 72 de la Constitution, pour favoriser le regroupement volontaire de communes. Dans les conseils régionaux, des rapports votés en commission préparent dès à présent l’avènement d’une Europe des régions, dotée d’une diplomatie et organisée autour de grandes métropoles (reliées par ces lignes à grande vitesse si controversées…). Un tel projet nécessite à l’évidence de piétiner les strates fondatrices de la République : État, départements, communes.

C’est d’ailleurs le véritable enjeu du débat européen qui s’est engagé après le discours du Président le 26 septembre à la Sorbonne. Il en appelle à un changement de traité. Le compromis recherché avec l’Allemagne déboucherait sur un projet ordo-fédéral où la souveraineté budgétaire des États (déjà mise à mal par le traité budgétaire) disparaîtrait au profit d’un « budget de la zone euro ». L’accès à ses subventions serait réservé aux bons élèves, ceux ayant appliqué les sempiternelles « réformes structurelles » de l’État, des retraites et du marché du travail.

Cette Europe ordo-fédérale des Länder ne doit pas représenter le seul horizon de la construction européenne. Elle s’oppose clairement à la fédération des États-nations défendue par les partisans de la République.

Liêm Hoang Ngoc Maître de conférences à l’université de Paris-I

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