MSF ouvre un centre d’accueil pour les jeunes migrants
À quelques pas de Paris, près du métro de Pantin (93), Médecins sans frontières a créé une structure pour jeunes mineurs isolés. Il s’agit d’aider 50 jeunes perdus face à un dispositif de prise en charge complexe.
Dans le couloir du rez-de-chaussé, des photos de jeunes d’origine étrangère sont exposées. Tous portent une cape de Superman. « Pour l’instant ce couloir est un peu vide, s’excuse Laureen Cisse, responsable du centre. On est en train de voir avec des artistes pour animer le lieu. » Ce lieu, pour l’instant encore blanc et désert, c’est le nouveau centre d’accueil de Médecins sans frontières (MSF). Réservé aux jeunes migrants, il doit ouvrir ses portes le 5 décembre.
Des personnes au centre d’un vide juridique
« Je préfère dire jeunes car il y a toujours une polémique lorsque l’on parle des mineurs, précise Corinne Torre, cheffe de projet à MSF. Ceux qui seront accueillis seront soit primo-arrivants, soit en transit, soit déboutés de leur reconnaissance de minorité. » Autrement dit, des personnes au centre d’un vide juridique qui sont délaissées par les autorités publiques. Si 100 000 mineurs ont été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) cette année, il reste tous les autres qui demeurent dans la rue.
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En France, 60 % des personnes qui se présentent comme mineurs sont déboutées de leur demande de reconnaissance de minorité. À Paris, ce chiffre dépasse les 80 %. D’autant que les demandes du statut de mineur non accompagné (MNA) ont explosé ces dernières années selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales dont les projections estiment à entre 20 000 en 25 000 le nombre de demandeurs cette année. En 2016, ils étaient 13 000.
Santé physique et mentale
« Notre volonté est de les prendre en charge pour qu’ils puissent comprendre leurs droits, faire un recours devant le juge pour enfants s’ils le souhaitent et avoir un accès aux soins dans des conditions sereines et stables », explique Corinne Torre. Pour cela, le centre s’articule en quatre pôles et MSF a noué des partenariats avec les associations de terrains spécialisées sur les divers besoins de ces jeunes.
L’OGN s’occupe du pôle santé, au deuxième étage, où deux infirmières examineront les personnes afin de faire le bilan général de leur état physique et de leur ouvrir le droit à l’Aide médicale de l’État (AME). De l’autre côté du couloir, il y a les bureaux des psychologues, le pôle santé mentale, « pour pallier les dispositifs actuels qui sont saturés, précise Laureen Cisse. D’autant qu’il s’agit de personnes fragilisées. » Ces consultations ne sont pas systématiques, mais se font à la demande de la personne. La jeune femme ajoute :
Nous organiserons des réunions publiques d’informations, car pour certaines populations, la santé mentale est un peu taboue. Il s’agit de leur expliquer que non, ce n’est pas normal de faire des cauchemars toutes les nuits.
« Vous n’avez pas peur d’avoir du mal à fermer les portes ? »
Le centre compte aussi un pôle juridique, où des assistantes sociales font le point sur la situation administrative du jeune. Mais aussi où des avocats du barreau de Paris ou l’association Safe Passage, spécialisée dans la réunification familiale, pourront conseiller et orienter les migrants selon leur besoins.
Mais une question demeure car le centre est un accueil de jour, ouvert de 9 heures à 17 heures. « Vous n’avez pas peur d’avoir du mal à fermer les portes ? », demande une journaliste. « Pas plus de mal que de fermer celles de notre clinique mobile que nous utilisions aux alentours du centre de La Chapelle, répond du tac au tac Corinne Torre. Et nous travaillons avec un réseaux d’hébergeurs solidaires afin qu’ils ne se retrouvent pas à la rue. » Néanmoins le problème reste de taille : Agathe Nadimi, citoyenne active sur le terrain, recense chaque semaine 100 jeunes qui dorment dans les rues de Paris, « et encore, c’est une estimation ».
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Cinquante places
L’espoir déçu du centre de La Chapelle, saturé au bout de 15 jours, reste dans les mémoires. « Nous voulons à tout prix éviter l’engorgement et qu’il y ait une longue file d’attente devant le centre », dit Laureen Cisse. Le nombre de places est limité à 50 : les jeunes seront amenés par les associations de terrains partenaires, qui les auront repérés lors des maraudes. Ceux qui viendront seuls ne pourront bénéficier des consultations : « Nous leur expliquerons pourquoi nous ne pouvons pas les accueillir et, si l’on peut, les nous les orienterons vers d’autres structures. Le but n’est pas de leur dire Non devant les portes », précise la jeune responsable. « Je suis très contente que ce projet se mette en place mais ça ne va résoudre qu’une petite partie du problème », nuance Agathe Nadimi. Elle se dit toutefois soulagée que la problématique soit prise en charge par une ONG. « La situation sur le terrain est vraiment chaotique. Ce centre permettra de parler du quotidien de ces jeunes. » Une nuance dont MSF a conscience : « Bien sûr que le dispositif n’est pas parfait. Nous ne pourrons pas tout régler, conclue Corinne Torre. Mais nous voulons améliorer la situation. »
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