Nouvelle-Calédonie : Un processus d’indépendance vieux de trente ans
Le référendum est l’aboutissement de négociations démarrées dans les années 1980 dans un contexte de fortes tensions ethniques et politiques.
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L’accord conclu le 2 novembre à Matignon par le Comité des signataires de l’accord de Nouméa marque une étape importante dans le processus de décolonisation progressif de la Nouvelle-Calédonie, engagé depuis 1988. Cet archipel océanien d’une superficie de 18 600 km2, français depuis 1853 mais situé à 16 800 km de la métropole, a connu dans les années 1980 de fortes tensions entre partisans et opposants de l’indépendance, Kanaks et Européens. Étaient notamment en jeu la propriété de la terre et la répartition des revenus de l’exploitation du nickel, la principale richesse du territoire.
En 1984, le Front de libération national kanak socialiste (FLNKS), opposé au nouveau statut du territoire, boycotte les élections territoriales et met en place un « gouvernement provisoire de Kanaky », présidé par Jean-Marie Tjibaou, avec pour but de préparer « l’indépendance kanake socialiste ». S’ensuivent quatre années de conflits politiques et ethniques appelées les « Événements » (1984-1988) qui dégénèrent en véritable guerre civile entre milices des partisans et des opposants de l’indépendance. La violence atteint son paroxysme avec l’assaut sanglant de la grotte d’Ouvéa, ordonné par Jacques Chirac le 5 mai 1988, au cours duquel dix-neuf Kanaks qui retenaient en otages des gendarmes sont tués, ainsi que deux militaires.
Le 26 juin 1988, des accords tripartites dits « de Matignon » sont conclus non sans mal entre Jean-Marie Tjibaou, Jacques Lafleur pour le RPCR (anti-indépendantiste) et le Premier ministre socialiste Michel Rocard. Ces accords, ratifiés par un référendum national, prévoient l’organisation d’un scrutin d’autodétermination dans les dix ans. L’assassinat de Tjibaou par le Kanak Djubelly Wéa, qui ne lui avait pas pardonné ces accords, va retarder le processus. Il ne sera relancé que le 5 mai 1988. L’accord tripartite de Nouméa, signé par le Premier ministre Lionel Jospin, puis ratifié à 72 % par les Calédoniens, organise l’émancipation de l’archipel par étapes avec un référendum d’autodétermination prévu entre 2014 et 2018 au plus tard.
Dans le cadre de ce processus, la Nouvelle-Calédonie a adopté en 2009 un texte qui encadre l’exploitation de ses richesses en nickel en rénovant notamment les normes environnementales. La même année, le Parlement a autorisé des transferts progressifs de compétences devenus effectifs en 2011 pour les affaires liées à la police ; en 2012 pour l’organisation scolaire ; et en 2013 pour le droit civil et commercial. Après l’accord sur la composition du corps électoral autorisé à participer au scrutin d’autodétermination, qui a longtemps opposé les deux camps, il ne reste plus qu’à trancher la question qui sera soumise à référendum.
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