Rassemblement à Paris : « Libérez les Africains ! Libérez les Subsahariens ! »
Une seconde manifestation s’est déroulée dans la capitale ce vendredi 24 novembre, suivie par plusieurs centaines de personnes, pour dénoncer l’esclavage de migrants en Libye.
Crime contre l’humanité ». L’expression est inscrite sur de nombreuses pancartes, ce vendredi 24 novembre, lors du second rassemblement contre l’esclavage en Libye. C’était celle utilisée par Emmanuel Macron, deux jours plus tôt, lors d’une rencontre à l’Élysée avec le président de la Guinée et de l’Union Africaine, Alpha Blondy, après la diffusion d’un reportage de CNN montrant la vente de migrants, près de Tripoli. Contrairement à ce qui était prévu, l’événement, co-organisé par une vingtaine d’associations, ne se déroule pas devant l’ambassade du pays. Les forces de l’ordre ont barré l’entrée de la rue Chasseloup-Laubat, dans le XVe arrondissement. « Mais ils ont tout bloqué, je suis choquée ! », décrit, surprise, une jeune manifestante au téléphone à son amie, encore dans les transports en commun. Pour cause, ce rassemblement était autorisé par la préfecture de police de Paris et donc vivement surveillé, contrairement au premier organisé sur les Champs-Élysées, samedi 18 novembre, lancé à l’appel du journaliste Claudy Siar.
« Libérez les Africains, libérez les Subsahariens ! », le refrain chanté par la Coordination des sans-papiers 75, qui arrive en frappant des mains, fait tourner les têtes des dizaines de personnes postées à côté d’une affiche orange, marquée d’un « Épris de liberté, réduits à l’esclavage – Europe, complice de crimes ». Depuis octobre, l’Italie est critiquée pour avoir conclu un pacte avec la Libye afin d’endiguer le nombre de migrants qui traversaient la Méditerranée. Une situation connue des organisations internationales, tout comme l’esclavage, dénoncé depuis plusieurs mois par l’Organisation internationale pour les migrants, la présidente de MSF, Joanne Liu, ou la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI).
Vers 16h30, un cercle se forme pour laisser de l’espace aux prises de paroles. Tour à tour, les collectifs qui ont organisé le rassemblement vont exprimer leur colère face à cette situation intolérable, dont les causes – l’intervention militaire de 2011, la coopération sécuritaire entre l’Union européenne et l’ancien pays de Kadhafi, le racisme contre les Noirs en Afrique du Nord, vont être rappelées pendant toute la fin d’après-midi. Le rappeur Rost lance : « Nous organisons cette manifestation pour arriver à une vraie coordination. Le but ? Avoir plus de force et plus d’impact. » Les applaudissements retentissent. « Nous sommes vendredi, et l’ambassade de Libye est encore ouverte. Nous voulons qu’une délégation entende nos cris, et aille à notre rencontre », poursuit-il, le discours cadencé par les « Solidarité ! Solidarité ! » de la foule qui l’entoure. Aucune délégation ne viendra.
L’immédiateté du rassemblement de samedi dernier a marqué les esprits, et beaucoup de personnes, présentes sur les Champs-Élysées, sont à nouveau au rendez-vous ce vendredi 24 novembre. _« Bravo à elles, et à ces jeunes de 14 ou 15 ans, dont c’était la première manifestation, qui se sont fait gazer par les forces de l’ordre la dernière fois »,_ conclut Rost, laissant le micro souvent défaillant à un membre du collectif « Ça suffit ! ». « La jeunesse africaine doit se mettre debout ! Nous devons retrouver notre indépendance ! » démarre-t-il, devant le _« Sarkozy à la CPI ! »_ d’une affiche portée par un jeune homme. Les générations se confondent, mais le message reste : il est centré sur l’engagement nécessaire de la jeunesse africaine, et la dénonciation de _« tous les esclavages, que ce soit en Arabie saoudite, en Mauritanie, ou en Libye »._
Des smartphones se dressent soudain lorsque trois députés de la France insoumise (FI) s’approchent près de la courte marche réservée aux intervenant.e.s. Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis, accompagnée de Michel Larive, député d’Ariège, et de Jean-Yves Ratenon, député de La Réunion, prend le micro pour dénoncer l’esclavage, accuser l’Union européenne dans sa gestion des migrants et les troubles causées par Nicolas Sarkozy. Difficile de l’entendre, malgré le mégaphone qu’elle récupéra par la suite, la foule étant partagée entre les huées – craignant l’hypocrisie et la récupération politicienne – et les personnes voulant écouter ce qu’a à dire Clémentine Autain.
Plus tard, Douma, un migrant soudanais passé par la Libye, est accueilli par des visages émus. « I have lived the situation in Libya. In my country, all my family was killed. But here, I am very happy to see people fighting for freedom in Africa ! » (« J’ai vu vécu la situation en Libye. Dans mon pays, toute ma famille a été tuée. Mais ici, je suis très heureux de voir les gens se battre pour que l’Afrique soit libre ! »). Plusieurs minutes de silence, conjuguées par des poings brandis, sont accordées aux personnes mortes en migration.
Alors que les personnes commencent à se disperser, vers 19 heures, Amadou Ba, jeune homme resté bras croisés devant un groupe de manifestants qui dansent, espère : « Ce rassemblement va dans le bon sens, même s’il ne changera rien. Pour apprendre à se tenir debout, un bébé doit tomber et essayer plusieurs fois. J’espère que notre lutte réussira à marcher. » Justement : une coordination des collectifs est prévue samedi 25 novembre, à la Bourse du travail, à Paris.
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