« Western », de Valeska Grisebach : Rencontrer l’autre
Dans les montagnes bulgares, un Western sous haute tension.
dans l’hebdo N° 1479 Acheter ce numéro
Meinhard est un homme doux. Souple de corps et d’esprit. Il est dans ces montagnes bulgares pour « faire du fric ». Ancien légionnaire, il n’aime pas la violence. La virilité agressive des autres ouvriers allemands qui jouent des muscles et de leur pseudo-supériorité devant les villageois (et surtout les villageoises), ce n’est pas son truc. Il écoute les discussions sans y prendre part, contemple le paysage, apprivoise le cheval gris qui se promène près du campement. Il esquive les provocations de son chef et désamorce la méfiance des Bulgares avec qui il fait connaissance. Quand l’eau vient à manquer, aux tensions inhérentes à un groupe d’hommes retranchés s’ajoutent celles liées à la poursuite des travaux, au partage de l’eau en pleine canicule, à l’obligation faite à ces Allemands et à ces Bulgares d’échanger, soixante-dix ans après la guerre.
Western met en scène tous ces niveaux d’affrontement avec un sens aigu de la complexité des relations humaines. C’est comme un champ subtil de lignes à haute tension qui se dessine alors dans ces montagnettes happées par le soleil. Crispations nationalistes, rivalités masculines, business locaux… Valeska Grisebach multiplie les face-à-face entre ouvriers et villageois, hommes et femmes, aînés et jeunes, homme et animal… Elle laisse craindre une catastrophe à chaque instant. Mais les drames sont surtout intérieurs dans ce film qui traque l’authenticité des sentiments jusqu’à vouloir approcher du centre de l’humaine condition.
« Parle-nous de la planète… Ce monde chatoyant, tu le trouves comment ? », demande Adrian le Bulgare à Meinhard l’Allemand, après lui avoir appris comment tailler les pierres en leur dessinant un visage. Les mains dans les cailloux, échangeant des mots sans se comprendre mais en se devinant, Adrian et Meinhard en disent plus long que n’importe quel discours sur l’étranger, la rencontre, la -fraternité.
Western, Valeska Grisebach, 1 h 59.