« Gauche lambda » ou droite bêta ?
Les thèmes identitaires, Mélenchon les a déjà un peu – trop – malaxés dans sa campagne présidentielle.
dans l’hebdo N° 1481 Acheter ce numéro
Et donc, je suis là, je lis le Politis de la semaine (dernière), très bien, l’édito du chef Sieffert, très bien [1], le papier du camarade Piro sur Notre-Dame-des-Landes, très bien, tout très bien, je continue ma lecture, et je tombe, à la page 24, sur l’interview de Jérôme Sainte-Marie, « sondeur et consultant en stratégie politique », qui déclare notamment – je cite – que : « Comme le contexte ne tournera pas éternellement autour des questions sociales, sur lesquelles son discours est bien rodé, la France insoumise devra préciser son discours sur des sujets dits régaliens, comme l’immigration et la nation. »
Puis qui ajoute – je cite encore, un peu longuement : « Prenons l’immigration. Il ne s’agit pas de stigmatiser les immigrés, bien sûr, mais poser la question des flux migratoires est essentiel pour fidéliser le vote populaire, y compris celui issu de l’immigration récente. Évidemment, cela conduirait à se priver d’un électorat de gauche “lambda”, qui n’accepterait pas cette orientation, mais cela me semble indispensable pour élargir le socle électoral. Avec la question des travailleurs détachés, on a vu l’hypersensibilité de certains sur ce thème, et pas forcément de mauvaise foi. »
Mais [2]. Dans la vraie vie, ces thèmes identitaires (comme « l’immigration », donc) dont la France insoumise devrait ainsi s’emparer – plutôt que de se cramponner à des « questions sociales » dont Jérôme Sainte-Marie assure un peu vite qu’elles ne seront bientôt plus de saison, Mélenchon les a déjà un peu – trop – malaxés dans sa campagne présidentielle de l’an dernier. Quand il s’est par exemple mis à jurer, devant des publics pavoisés aux couleurs nationales et qui avaient troqué « L’Internationale » pour « La Marseillaise », que, non, il n’avait « jamais été pour la liberté d’installation », mais que s’il était élu_, « plus un travailleur détaché n’entrera[it] _dans notre » cher et vieux « pays ».
Et ça ne lui a pas vraiment réussi de se rendre ainsi à la sinistre, mais si durable, propagande qui dans ces matières accuse depuis des années la gauche d’« angélisme » : à l’arrivée, il s’est fait doubler par la Pen, qui baratte ces sales trucs-là depuis tellement longtemps.
En sorte qu’il serait peut-être temps qu’au rebours de ce que lui suggère Jérôme Sainte-Marie, la France insoumise, plutôt que de s’aliéner une « gauche “lambda” » que ces errements consternent, cesse enfin, en de telles matières, de se laisser entraîner trop loin sur le terrain de la droite bêta.
[1] Et je ne dis pas ça seulement parce que je m’apprête à lui réclamer pour la millième fois a few feuillets more pour cette chronique.
[2] Indépendamment du fait que le postulat selon lequel il convient d’aborder « la question des flux migratoires » pour gagner « le vote populaire » est pour le moins problématique – car en vérité rien ne dit que le peuple est le ramassis plus ou moins xénophobe que sous-entend cette proposition : de fait, ce sont plutôt « les élites » – médiatiques et politiques –, qui depuis de longues décennies font de l’immigration, contre la réalité des chiffres et des faits, une « question » donc, ou un problème, et dans tous les cas un constant motif d’anxiété.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.