L’histoire secrète d’un anniversaire au château de Chambord
Comment l’avocat des chasseurs est sorti du bois pour Macron.
Ce n’est pas le moins du monde par hasard que le président Macron a célébré son anniversaire à Chambord et qu’il y a rencontré non pas « des » chasseurs, mais la fine fleur des responsables de la chasse en France. La curiosité de ce séjour dans le château de François Ier et alentours ne réside pas dans l’annonce (forcée) que ce séjour privé était payé sur la cassette personnelle du souverain républicain. D’abord parce que c’était normal et parce que le coût en a été bien supérieur à celui annoncé par son entourage politique.
Ensuite, et surtout, il se trouve que ce week-end a été discrètement organisé par un célèbre lobbyiste, Thierry Coste. Tout était donc prévu, depuis la chasse de régulation organisé ce jour-là (il y en a douze par an) jusqu’à la rencontre « inopinée » de Macron avec la plupart des responsables de la Fédération nationale des chasseurs, organe qui regroupe les présidents de toutes les fédérations départementales et toutes les associations locales ou spécialisées.
Chasseurs et battues politiques
Depuis des années, Thierry Coste, que l’on croise très souvent dans les antichambres des ministères et dans les couloirs de l’Assemblée nationale ou du Sénat, a pour principal et généreux client la Fédération nationale des chasseurs. Ce lobbyiste d’une soixantaine d’année, d’ailleurs fort sympathique et visiblement doué pour les relations publiques, a suivi un parcours aussi surprenant que sinueux. Il a d’abord milité au PSU et à la Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans – devenue la Confédération paysanne en 1987. Il a grenouillé dans tous les milieux de gauche en étoffant ses relations. Il a été également été le représentant de quelques marchands d’armes et même agent d’influence de la Russie.
Cela lui a laissé le temps de se mettre au service des relations publiques de la grande distribution et aussi de présider le « Comité Guillaume Tell », petit groupe de pression voué à la protection des amateurs d’armes, qu’elles soient de chasse ou de collection. Il se consacre aussi depuis longtemps à la promotion des chasseurs et de la ruralité. Cela l’a d’abord conduit, pendant des années, à être l’un des responsables de la très droitière et conservatrice organisation Chasse, pêche, nature, traditions (CPNT), qui connut quelques succès électoraux. Thierry Coste assura longtemps la promotion de leur image, avant d’offrir ses services aux chasseurs organisés. Sa présence attentive et fructueuse se poursuivra en liaison avec les entourages de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et même de François Hollande
En marche pour la chasse
Thierry Coste, depuis la fin des années 1970 soigne ses relations politiques et économiques. Il a toujours eu dans son carnet d’adresses un ou plusieurs ministres et parlementaires chasseurs et amis du prince en exercice, lui permettant d’être reçu partout, y compris à l’Élysée ; qu’il s’agisse de ses amis Jean-Pierre Raffarin à droite ou François Patriat (un peu) à gauche, ou d’autres, il y a toujours eu des guides vers les puissants. Patriat se consacre aussi depuis des lustres à la protection des chasseurs, puisqu’en 1999, malgré les réticences de Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement de Lionel Jospin, il fut chargé d’une longue mission sur la chasse qui écarta la plupart des restrictions prévues pour limiter les actions des chasseurs et faire plaisir aux écolos. Et aux côtés de Patriat, un certain Thierry Coste s’agitait déjà pour le conseiller.
Fin de l’histoire : en mars 2017, le lobbyiste des chasseurs 2017 a fait allégeance à Emmanuel Macron et est donc devenu son conseiller pour la chasse et la ruralité ; sur les avis de François Patriat, passé de son côté de sénateur PS à président du groupe LREM au Sénat. Les deux compères se sont donc retrouvés à Chambord, pour un anniversaire qui devait rester secret. Cela devrait permettre au sénateur Patriat d’être prochainement nommé directeur des chasses sur les 5 440 hectares du parc royal. Personne ne semble en vouloir à son ami Coste d’avoir discrètement vendu la mèche de l’anniversaire macronien aux journalistes locaux. Et comme le chantait Alibert, le chanteur fantaisiste préféré des IIIe et IVe République, « c’est comme ça que tout l’pays l’a su ».
Une histoire qui montre ou rappelle que le « nouveau monde » s’accommode très bien des méthodes de « l’ancien monde ».
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